Le Sénat américain vient de confirmer la nomination de Stephen Miran au conseil de la Réserve fédérale. Un choix qui soulève des inquiétudes sur l’indépendance de la banque centrale face aux pressions de la Maison Blanche.
Un économiste de 42 ans détient désormais une clé de la politique monétaire américaine. Et Donald Trump compte bien sur lui. Stephen Miran, actuel président du Conseil des conseillers économiques («Council of economic advisers», CEA) de la Maison-Blanche, a été confirmé lundi soir par le Sénat pour siéger à un autre conseil : celui de la Réserve fédérale des États-Unis (Fed).
Cette nomination express – Trump voulait qu’il soit en poste pour la réunion cruciale de la Fed les 16 et 17 septembre – intervient après la démission surprise d’Adriana Kugler le mois dernier. Le mandat court jusqu’en janvier 2026, soit à peine quatre mois. Mais ces quatre mois pourraient s’avérer décisifs pour l’orientation de la politique monétaire américaine, alors que Trump multiplie les attaques contre la banque centrale.
Un parcours entre Harvard et Wall Street
Docteur en économie de Harvard, où il a été l’élève de Martin Feldstein (ancien conseiller économique de Ronald Reagan), Stephen Miran a débuté sa carrière dans la finance. Analyste chez Lily Pond Capital Management, puis chez Fidelity Investments et Sovarnum Capital, il a rejoint la première administration Trump en 2020 comme conseiller au Département du Trésor. Après l’investiture de Joe Biden, il est retourné dans le secteur privé chez Hudson Bay Capital et au Manhattan Institute, un think tank à tendance libertarienne.
L’éminence grise de 42 ans, fines lunettes sur un visage rond, est revenue à Washington pour murmurer à l’oreille de Donald Trump après sa réélection. Cette fois-ci, pour présider l’influent CEA de la Maison-Blanche. Son plan d’action ? Mettre fin au libre marché des changes, organiser une quasi-faillite de la dette américaine, accompagnée d’une forme de contrôle des capitaux, tout en s’asseyant sur l’indépendance des banques centrales. «Il ne faut pas oublier que Miran a été formé dans des hedge funds. Il est habitué à jouer contre le consensus, à chercher à casser le marché», analysait Ludovic Subran, chef économiste du groupe Allianz, dans Le Figaro en août.
Depuis quelques semaines, son nom est partout dans la presse américaine. Et pour cause : la Maison-Blanche soutient la nomination de Miran au conseil de la Réserve fédérale. Celle-ci venant d’être confirmée lundi soir, il sera en mesure de prêter serment in extremis afin de siéger mardi et mercredi à la réunion au cours de laquelle, toutes les six semaines, la banque centrale des États-Unis décide du niveau de ses taux directeurs. Les démocrates y sont opposés. Ces derniers jugent qu’il ne fera qu’appliquer les desiderata de Donald Trump.
La controverse du congé sans solde
En l’occurrence, Stephan Miran doit occuper un poste de gouverneur vacant depuis la démission surprise d’Adriana Kugler. Nommée par l’ex-président démocrate Joe Biden, l’économiste de 55 ans n’a pas précisé les raisons de son départ anticipé.
Du fait de la brièveté du mandat en jeu (quatre mois), Stephen Miran a expliqué aux sénateurs début septembre qu’il ne prévoyait pas de démissionner de son poste de conseiller du président. Contrairement à la tradition, l’économiste a annoncé qu’il prendrait simplement un congé sans solde du Conseil des conseillers économiques s’il était confirmé. Il assurait que cela ne l’empêcherait pas de rester imperméable aux pressions politiques.
Cette décision sans précédent inquiète. «Cela signifie concrètement qu’il reste un employé de la Maison-Blanche tout en travaillant pour la Réserve fédérale, pourtant si indépendante», dénonce Lisa Gilbert, coprésidente de l’organisation de défense des consommateurs Public Citizen, comme le rapporte la radio publique américaine NPR. Même réserve du côté de la sénatrice Elizabeth Warren, la démocrate la plus haut placée de la commission. «Le prétendu congé sans solde du Dr Miran est une mauvaise plaisanterie», déclarait-elle mercredi. Cette opposante juge que Stephen Miran ne pourra pas voter une décision qui déplairait à Donald Trump sous peine de ne pas retrouver son poste au service du locataire de la Maison-Blanche. Elizabeth Warren a dénoncé une forme de «servitude» et estimé qu’«il n’aura aucune crédibilité auprès des marchés, aucune crédibilité auprès des entreprises et aucune crédibilité auprès de la population».
Des écrits qui interrogent
Les inquiétudes se nourrissent aussi des positions passées de Miran. En mars 2024, il écrivait dans un éditorial : «L’indépendance des banques centrales est largement considérée comme un élément essentiel d’une gestion économique efficace. Pourtant, une indépendance pure et simple est incompatible avec un système démocratique.» Il a même proposé de réduire les mandats des membres du conseil de la Fed et de clarifier qu’ils siègent «à la discrétion du président américain».
Face aux critiques, Stephen Miran tente de rassurer. Dans un discours préparé pour le Sénat, révélé par le New York Times, il affirme : «À mon avis, la mission la plus importante de la banque centrale est de prévenir les dépressions et l’hyperinflation. L’indépendance de la politique monétaire est essentielle à sa réussite.»
Trump à l’assaut de la Fed
Cette nomination s’inscrit dans un contexte de tensions croissantes entre Trump et la Fed. Le président américain fait depuis longtemps pression sur la Fed pour qu’elle baisse ses taux d’intérêt et s’en prend régulièrement à ses membres. Il a notamment qualifié Jerome Powell, le patron de la banque centrale, d’«imbécile» et d’«abruti» pour ne pas avoir baissé les taux d’intérêt assez rapidement. En août, il a même tenté de limoger la gouverneure Lisa Cook, une initiative bloquée par un juge fédéral.
Avec Stephen Miran au conseil, Trump disposera à coup sûr d’un allié de poids. D’autant que le nouveau gouverneur pourrait voter sur les taux d’intérêt et influencer les délibérations internes sur les règles régissant Wall Street.