Dans une chambre, un baldaquin en taffetas de soie bleue fait écho aux panneaux muraux. Le canapé Louis XV patiné blanc est tendu de damas de soie écarlate. Tapis d’Aubusson XVIIIe.

© Réalisation Thibaut Mathieu / Photo Julien Oppenheim

Un château d’aujourd’hui

À l’étage, c’est autre chose, puisque de précédents propriétaires en ont ôté la substance en le transformant en hôtel. Jacques Garcia lui rend sa « vision aristocratique », redessinant l’espace des deux côtés d’une large galerie qui traverse la maison. Les chambres se déploient comme de petits appartements, chacune avec sa salle de bains (somptueuse), son dressing, parfois son salon… Taffetas, damas et soieries (de chez Tassinari & Chatel, Verel de Belval, Le Manach) sont à l’honneur en panneaux sur les murs, en rideaux ou en baldaquins chatoyants, et les meubles, achetés en salles de ventes ou chez les antiquaires parisiens par la nouvelle propriétaire, piquée au jeu de la reconstitution, rivalisent de marqueteries, de laques de Coromandel et de ferrures. À l’extérieur, le décorateur dessine une monumentale arrivée qui descend en pente douce, entre deux étendues de pelouses bordées de boules de buis, jusqu’à la cour d’honneur, rétablie dans toute sa majesté et entièrement repavée. Et, dans les ailes du château – ajoutées au XVIIIe siècle –, on a veillé à apporter tout le confort d’aujourd’hui, avec une salle de sport, un hammam, une piscine, et l’espace nécessaire au service, excellent, qui est associé au lieu. Puisque le destin veut que Villette se mette à la disposition des happy few qui voudront s’offrir l’impression de régner sur ce petit domaine et ses 35 hectares de parc clos de murs.

La rénovation italianisante d’un château en Bourgogne

Ce château bourguignon a été rénové par Paul du Pré de Saint Maur, qui a su se mettre à l’écoute des lieux pour apporter une subtile touche de modernité.

Tout a commencé par deux salles de bains, ajoutées par les propriétaires pour donner un peu de confort moderne à leur château en Bourgogne. Sur cette lancée, pourquoi ne pas s’attaquer aussi aux chambres ? Et puis l’escalier, d’autres chambres… autant refaire aussi les pièces de réception au rez-de-chaussée. Voilà qu’en trois ans, Paul du Pré de Saint Maur a donné un nouveau visage à ces pièces qui s’étaient un peu endormies au fil des siècles. Cette ancienne maison de maître du XVIe siècle avait déjà connu une première transformation au XIXe, gagnant au passage une tour pour abriter un escalier monumental et une belle mosaïque dans l’entrée. Deux éléments qui ont dès le départ attiré l’attention du jeune architecte, lui permettant de jeter les bases de sa restauration et d’insuffler une petite pointe d’Italie, réminiscence de ses années d’études à Rome.

Dans l’escalier monumental, où le charme de la Renaissance italienne vient alléger le bâtiment un peu figé du XIXe siècle, une suspension de Paavo Tynell.

Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont

Le domaine témoigne des diverses influences qui ont présidé à ses fondations, comme cette tour, vestige de l’époque de sa construction, au XVIe siècle.

Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont

Ou comment adoucir la lourdeur un peu figée du XIXe français grâce au charme de la Renaissance : « Après tout, cela a quand même inspiré toute l’architecture française, souligne Paul du Pré de Saint Maur, y compris le XIXe qui est en partie inspiré du classique. Ceci dit, je ne fais absolument pas de l’historique. L’inspiration m’amuse mais copier ne m’intéresse pas, parce que refaire les mêmes intérieurs que dans les palazzi, cela ne rime à rien. Pas de retranscription. » Ainsi, on procède par rappels, distillant des touches de couleur çà et là : les tons terre de Sienne, rouges, noirs de la mosaïque traversent les espaces pour se poser sur les boiseries des pièces à côté, où l’on se permet parfois quelques motifs venus d’ailleurs.

Dans la salle à manger, autour d’une table de Lars Löfmark, des chaises Louis XIII. Service de Sèvres et cristal Saint-Louis. Sur la cheminée encadrée de tapisseries de jus d’herbe, un vase de Roger Herman (Carpenters Workshop Gallery).

Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont

Dans le salon, deux bouddhas khmers du XIIe siècle soulignent la perspective vers la salle à manger. Au-dessus de la porte, l’imposte a été peinte par Pierre du Pré de Saint Maur.

Jukka Ovaskainen — Réalisation Sarah de Beaumont

Comme pour troubler l’ordre imposé, les moulures du salon s’enrichissent de petits macarons noirs tandis que les portes coiffent leurs lunettes de fresques – signées Pierre du Pré de Saint Maur, frère de. Partout, il s’agit de décontracter discrètement un cadre trop classique, sans pour autant le dénaturer, comme le confirme l’architecte : « Cela permet de changer le caractère final de la pièce sans changer son architecture. Je n’ai pas envie de me comparer à lui, mais j’aspire un peu à la même chose qu’Emilio Terry par exemple : faire des choses assez historiques et amusantes, mais garder une sobriété, une radicalité contemporaine. Tel ou tel détail n’aurait pas été fait à la Renaissance, mais en même temps c’est cohérent. On ne saurait pas trop le dater. »