Des accusations d’antisémitisme à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Plusieurs élèves ont été exclus d’une boucle WhatsApp en raison de leurs noms à consonance juive, a annoncé lundi 15 septembre le ministre de l’Enseignement supérieur, Philippe Baptiste. «J’apporte tout mon soutien à ces jeunes, victimes de l’antisémitisme que nous devons combattre partout, y compris, malheureusement, dans nos universités. Une seule ligne est possible : la tolérance zéro !» a réagi le ministre dans un communiqué publié sur X (ex-Twitter).
Dans sa publication, Philippe Baptiste ajoute faire «confiance à l’université pour prendre des mesures disciplinaires» et avoir «demandé à la rectrice de Paris» de saisir le procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. L’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne indique ce mardi avoir «transmis l’intégralité des éléments à sa disposition au procureur de la République». Contacté, le parquet indique : «Les articles 40 mettent souvent du temps à nous parvenir.»
L’Union des étudiants juifs de France (UEJF) explique que l’éviction concerne au moins cinq étudiants. Ils faisaient partie d’un groupe Instagram – et non WhatsApp, comme indiqué par le ministre – nommé «L1 Eco Sorbonne» et rassemblant quelque «200» personnes, élèves en première année de licence d’économie sur le campus de Tolbiac, d’après l’UEJF.
Dans des captures d’écran que Libé a pu consulter, une jeune femme écrit le 15 septembre : «S’il y a d’autres sionistes dans ce groupe en plus de ceux que j’ai déjà tej [exclus, ndlr.] vous pouvez d’ores et déjà le quitter on ne veut pas de vous ici [émoji drapeau palestinien] pareil pour les racistes de manière générale». «Tu es une ouf toi, comment tu as su», interroge, en réponse une étudiante. «Asso d’Israël en bio mdr c’est moi la ouf ?», rétorque l’autrice du premier message. «Tu es sûre de ce que tu fais», questionne une troisième étudiante. «Moi ? Certaine», réplique la première.
«Le message d’exclusion ne laisse place à aucun doute», souligne l’UEJF dans un communiqué publié sur X : «le sionisme ne s’entend pas dans un prénom ou un nom de famille ; ici, c’est bien la judéité qui est visée, caractérisant clairement l’antisémitisme décomplexé». Son président, Yossef Murciano, affirme auprès de Libé qu’«une fille s’est fait sortir [de la conversation] parce qu’elle a fait les scouts juifs […] C’est complètement lunaire». Il explique que certains étudiants «allaient chercher des preuves sur les profils» de leurs camarades, pour confirmer leur judéité. Dans la conversation, des élèves tentent en effet de se justifier de ne pas être juif. «Je m’appelle S. je ne suis ni juif ni sioniste ne faites pas d’amalgame svp», lance par exemple un étudiant au fil des échanges de messages Instagram.
Sollicitée par Libération, l’université explique avoir été avertie en fin de journée de l’exclusion de plusieurs étudiants de ce groupe «en raison de leur supposé sionisme, plus vraisemblablement en raison de leur prétendue appartenance religieuse, par un étudiant ou une étudiante». «Cela est tout simplement intolérable», ajoute Paris 1 Panthéon-Sorbonne dans son communiqué.
Le président de l’UEJF explique que son organisation va accompagner les étudiants concernés pour porter plainte, face à cette «aggravation du phénomène de l’antisémitisme». La présidence de la faculté Paris 1 Panthéon-Sorbonne «condamne avec la plus grande fermeté ces dérives inadmissibles et rappelle que tout est et sera fait pour poursuivre et sanctionner les coupables». Elle précise ne pas être à l’origine de ces groupes et avoir «réagi immédiatement», à la suite de signalements.
En août, un autre groupe d’étudiants – sur WhatsApp cette fois – intitulé «Sorbonne L1 ECO 2025-2026» avait déjà été le théâtre de publications à caractère antisémite. «Pour ou contre les juifs ?», avait envoyé un étudiant le 24 août, provoquant une vive réaction de ses camarades : «Mais c’est quoi cette question ?», «tu as fumé la moquette», «ça va la tête» ! Ce à quoi l’auteur du message avait répondu par la publication d’un sondage sur la conversation : «Les juifs, pour ou contre ?». Lui-même votant «contre». L’université «engagera des poursuites disciplinaires contre l’auteur dès que son identité sera établie», précise le communiqué de l’établissement. «Ces deux actes dont le caractère antisémite apparaît manifeste méritent une sanction à la hauteur de leur gravité et l’université fait tout ce qui est en son pouvoir pour qu’il en soit ainsi», dit-elle encore.
Les actes antisémites ont connu une nette progression en France après le 7 octobre 2023, date des attaques sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas contre Israël et du déclenchement de la guerre à Gaza : 646 ont été recensés en France entre janvier et juin.
Mise à jour : à 11 h 50, ajout du communiqué de l’université