Au mois de juin, l’association ForezAgir déposait un recours pour demander au Département de retirer sa délibération autorisant le versement d’une contribution à hauteur de 527 420 euros au Syndicat mixte de l’aéroport de Saint-Etienne Loire. Sans nouvelle depuis, elle a déposé un recours en contentieux ce lundi 15 septembre.
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Trop cher. Trop peu utile. Trop proche de Lyon Saint-Exupéry. Les arguments de l’association ForezAgir* contre le financement de l’Aéroport Saint-Etienne Loire par les collectivités ne datent pas d’hier.
Au printemps dernier, lors du Conseil syndical de la structure, une baisse de 15 % des contributions allouées par les collectivités à l’aéroport avait été décidée, sous l’impulsion du Département, son principal contributeur. Le Syndicat mixte de l’aéroport de Saint-Etienne Loire (Smasel) se compose du Département (43 %), de Saint-Etienne Métropole (30 %), de la CCI (15 %), de Loire-Forez Agglomération (7 %), et de la Communauté de communes Forez-Est (5 %).
Or, en raison de ces statuts, toutes les contributions sont liées. Comme le Département avait diminué sa subvention de 15 %, une baisse d’égale proportion avait été mécaniquement opérée par l’ensemble des membres. Il en aurait été de même pour une éventuelle augmentation. Sachant que pour obtenir gain de cause, les statuts impliquent qu’un budget doit être voté aux deux tiers. Et dès l’automne 2024, le Département avait alerté et annoncé qu’il prendrait cette décision pour des raisons de budget. A l’issue d’une réunion animée, la baisse de 15 % avait donc été convenue, ce dont s’était félicitée l’association ForezAgir qui souhaitait toutefois aller plus loin. ForezAgir estime que 30 millions d’euros au total ont été versés à l’aéroport en 15 ans et qu’en 2025, 48 % des recettes seront des subventions locales, pour 1,2 million de contributions des collectivités.
Une compétence régionale
Ainsi, fin mars, le Département actait donc sa contribution revue à la baisse de 527 420 euros. Et l’association a décidé, en juin, de remettre en cause la légalité de ce financement, avec l’appui du cabinet Arego et de son avocat associé maître Alex Ouvrelle. Pour ce faire, ils s’appuient sur la loi NOTRe, adoptée en 2015 et qui a modifié le champ d’intervention des collectivités, faisait de la Région la seule compétente pour octroyer des aides économiques à des entreprises.
« Le Smasel a décidé d’adopter une baisse de redevance pour les compagnies aériennes qui viennent s’installer. C’est le cas pour ASL Airlines France qui a bénéficié d’une exonération de 75 % en 2025, puis 50 % en 2026 et ainsi de suite, nous expliquait Jérôme Peyer, président de ForezAgir, au mois de juin. Cela peut être considéré comme une aide aux entreprises. De même, le syndicat finance une campagne de communication pour une compagnie qui s’installe, à hauteur de 30 000 euros. Ce n’est pas illégal d’aider les entreprises, mais cela doit être fait par la Région ». Autre point de contestation, l’argument touristique qui peut être mis en avant par le Département.
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Au tribunal de trancher
Sur le sujet, une circulaire interministérielle de 2019 précise qu’un Département est compétent pour financer une liaison aérienne si elle a « un caractère touristique indiscutablement prépondérant », ce que conteste l’association. Enfin, elle s’appuie également sur le fait que les Départements ont l’interdiction de compenser le déficit des services publics industriels et commerciaux, soit ayant une vocation économique et non pas administrative. C’est pourquoi elle avait déposé, au mois de juin un recours pour demander au Département de retirer sa délibération autorisant le versement d’une contribution à hauteur de 527 420 euros au Syndicat mixte de l’aéroport de Saint-Etienne Loire.
Sans nouvelle de ce recours, elle se laissait le droit de saisir le tribunal administratif. C’est chose faite depuis hier. « Nous n’avons eu aucune discussion avec le Département depuis notre recours début juin, en dehors d’un courrier nous informant que les services prenaient acte, précise Jérôme Peyer. Nous avions proposé un recours gracieux, on ne sent pas une volonté d’aller dans ce sens, la suite logique c’est le recours contentieux ». ForezAgir a donc demandé à la justice administrative de se saisir.
Une nouvelle piste
Du côté du Département, on ne serait pas contre le fait que l’aéroport vole de ses propres ailes. « Il faut qu’il y ait un retour rapide à l’équilibre de l’exploitation de l’aéroport, pointe Jérémie Lacroix, vice-président du Département chargé des mobilités et des finances. Et peut-être trouver un nouveau partenaire ». Comprendre la Région, déjà impliquée dans la gouvernance de quatre aéroports du territoire : Lyon Saint-Exupéry et Lyon-Bron (elle détient 5 % de la société Aéroports de Lyon – ADL), Clermont-Ferrand Auvergne (elle est membre majoritaire à hauteur de 40 % du Syndicat mixte propriétaire), Le Puy-en-Velay (elle est membre majoritaire du Syndicat mixte de gestion à hauteur de 70 %), et enfin, elle intervient dans le cadre d’une convention avec l’aéroport d’Aurillac pour le financement de la Ligne d’aménagement du territoire (sous obligations de service public) Aurillac – Orly.
« Il y a un contexte budgétaire compliqué, de même que le contexte politique au niveau national et local, poursuit le vice-président. Il n’y aura probablement pas d’évolution d’ici les Municipales, mais il est nécessaire qu’il y ait des prises de position des uns et des autres sur les évolutions statutaires ». Il ajoute qu’un équilibre économique peut se trouver car l’activité reprend, mais espère une accélération de ce développement.
Vers une jurisprudence ?
« Rien n’interdit que la Région entre au conseil d’administration puisqu’elle est compétente, estime Jérôme Peyer. Mais on attend qu’elle fasse le ménage. A quoi bon organiser des départs en charter depuis Andrézieux-Bouthéon alors qu’ils existent au départ de Lyon ? Que viennent faire nos élus dans cette galère ? ». ForezAgir demande une conférence régionale pour analyser froidement les besoins du territoire en la matière. Et la rapport de la commission des finances, publié le 2 juillet dernier, et portant sur les dépenses de soutien aux aéroports, semble aller dans ce sens. « L’utilité de certains aéroports mérite d’être interrogée, note Christine Arrighi, rapporteur spécial. Prenons l’exemple concret des aéroports de Pau-Pyrénées et Tarbes-Lourdes-Pyrénées, distants d’une trentaine de kilomètres. Est-il vraiment pertinent que des collectivités territoriales, donc les contribuables, financent un aéroport déficitaire qui concurrence directement l’infrastructure voisine ? ».
Pour le président de ForezAgir, il est regrettable de s’interdire de penser cette organisation à échelle régionale, qui pourrait pourtant ouvrir d’autres pistes. Reste désormais à savoir quelles suites seront données à cette procédure relativement inédite, et qui pourrait faire jurisprudence. « Nous allons attendre de voir ce que donne ce recours, indique Jérémie Lacroix. Et s’il y a une décision de justice, nous nous y plierons ».