Dix mineurs français et trois mères vivant dans des camps de prisonniers djihadistes dans le nord-est de la Syrie ont été rapatriés en France ce mardi, annoncent le ministère des Affaires étrangères et le Parquet national antiterroriste (PNAT). Selon le PNAT, les trois femmes sont âgées de 18 ans à 34 ans.
D’après le ministère des Affaires étrangères, les « mineurs ont été remis aux services chargés de l’aide sociale à l’enfance et feront l’objet d’un suivi médico-social ». « Les mineurs sont pris en charge dans le cadre de procédures d’assistance éducative sous la responsabilité du parquet près le tribunal judiciaire de Versailles », a détaillé le PNAT. Celui-ci « assurera le suivi centralisé des mineurs concernés, en lien avec les parquets territoriaux ».
« Les adultes ont été remises aux autorités judiciaires compétentes », ajoute le ministère des Affaires étrangères. Parmi les femmes majeures, « deux ont été placées en garde à vue, sur commission rogatoire du juge d’instruction », d’après le parquet antiterroriste. « Une autre femme, faisant l’objet d’un mandat d’arrêt, sera présentée à un juge d’instruction dans la journée » en vue d’une possible mise en examen, a précisé le PNAT.
La France remercie la Syrie
Paris « remercie les autorités syriennes de transition ainsi que l’administration locale du Nord-Est syrien qui a rendu possible cette opération ».
Depuis la chute du régime de Bachar al-Assad en décembre 2024, plusieurs appels au rapatriement ont été émis, notamment par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) via une pétition publiée en août dernier.
En juin, quelque 120 enfants et une cinquantaine de femmes françaises étaient encore retenus dans ces camps syriens, selon le Collectif des Familles unies, qui rassemble leurs proches. Après ce rapatriement nocturne, ce collectif a rediffusé sur le réseau social X ce mardi matin son message habituel dénonçant la détention sur place d’enfants « coupables de rien » dans « des conditions indignes ».
Ces retours restent une question sensible en France, dix ans après la vague d’attentats djihadistes sur son sol. La France a procédé à plusieurs opérations de rapatriement qui ont cessé à l’été 2023 malgré les condamnations internationales dont celle de la Cour européenne des droits de l’Homme en 2022. Paris refuse depuis de se rendre sur place, au motif de la dangerosité des opérations.
En février, l’administration kurde a annoncé, en coordination avec l’ONU, son intention de vider d’ici fin 2025 les camps du nord-est de la Syrie des déplacés syriens et irakiens, y compris les proches présumés de djihadistes.
Un « soulagement » pour les familles
« Pour les familles qui attendaient leurs petits-enfants, neveux et nièces depuis plus de six ans, c’est un immense et indescriptible soulagement », a par ailleurs déclaré l’avocate des femmes rapatriées, Marie Dosé, dans un communiqué transmis à l’AFP et publié sur X.
« La France, qui refusait de rapatrier des enfants tant que leurs mères n’avaient pas donné leur accord, refuse aujourd’hui leur retour alors qu’ils sont devenus majeurs. Ce faisant et plus que jamais, la France décide donc de faire payer à ces enfants le choix de leurs parents », estime-t-elle également.
Elle dénonce également le sort de femmes sans enfant ou dont les enfants sont décédés, et que la France refuse désormais de rapatrier, ainsi que d’enfants nés en France et « conduits de force en Syrie » avant de pouvoir acquérir la nationalité, ou de jeunes majeurs enfermés dans d’autres lieux de détention syriens.
Pour Matthieu Bagard, responsable du pôle expertise Syrie de l’ONG Avocats sans frontières France, « ce rapatriement démontre une nouvelle fois que la France a la possibilité d’organiser ces opérations ». Mais il déplore lui aussi la situation des femmes et jeunes majeurs toujours « illégalement détenus ».