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Jack de Marseille fête ses 35 ans de carrière. Pionnier de la scène électro française, il est désormais résident sur une péniche à Toulouse. Il revient sur son parcours, sa vision de la musique et son rapport intime au public. Interview.

La Dépêche du Midi : Vous êtes DJ résident sur la péniche Franckielanuit, qui a ouvert cet été à Toulouse, et vous y jouez tous les mois. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet ?

Jack de Marseille : Ça s’est fait simplement. Un jour, alors que je jouais au Mucho (un bar toulousain), Mathieu (Bonnefont, le gérant de la péniche Frankielanuit, ndlr) est passé, il m’a écouté et il a fait passer sa carte à un ami. On s’est appelé plusieurs fois, et le projet m’a plu. C’est la quatrième fois que je reviens. Le lieu est super beau, il y a un excellent son. Ce qui est intéressant aussi, c’est le choix de leur programmation. Ici, ils veulent représenter autre chose, une musique électronique différente de ce qu’on entend d’habitude à Toulouse. Être plus éclectique, pas rester bloqué dans une seule tendance.

Jack de Marseille fête ses 35 ans de carrière.

Jack de Marseille fête ses 35 ans de carrière.
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Vous trouvez qu’à Toulouse, la programmation électro est trop monolithique ?

Ce n’est pas qu’à Toulouse, c’est partout pareil. En ce moment, c’est beaucoup de hard techno. Ça reste une musique qui attire surtout les plus jeunes.

Vous aimez sortir des sentiers battus et jouer dans des lieux plus intimistes ?

Ça m’arrive encore de jouer dans de gros festivals, mais ce n’est plus mon quotidien. Et puis les cachets des artistes sont devenus hallucinants, ce n’est pas mon délire. Depuis quelques années, j’ai envie d’être plus proche du public. Quand tu joues dans de très grandes salles, t’es loin, tu perds un peu ce contact. Là, c’est autre chose, tu sens vraiment les gens. Tu peux jouer plus longtemps, raconter plus de choses. Dans cette résidence toulousaine, on m’a donné carte blanche, c’est cool.

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Vous êtes un « papa » sur la scène électro française, comme Laurent Garnier. Qu’est-ce qui vous motive encore à jouer ? On n’est jamais trop vieux pour être DJ ?

Non, on n’est jamais trop vieux pour être DJ ! Ce n’est pas une question d’âge. Même si certains peuvent penser qu’on devrait laisser la place, je crois que l’expérience, ça compte. Moi, j’ai traversé plein de périodes, plein de styles. Ce que j’aime, c’est que je ne me limite pas. Je peux jouer house, techno, électro, ambient… J’aime passer par différents univers dans un même set. Mettre du relief, ne pas rester dans la même boucle toute la nuit.

Quand vous contemplez les 40 ans d’histoire de la musique électronique française, vous pensez qu’elle s’est institutionnalisée ?

Pour moi, dès la création de la Techno Parade à la fin des années 90, c’était le début de la fin (rires). La reconnaissance, la visibilité médiatique… Mais en même temps, on a toujours été un peu à part. Même 35 ans plus tard, on n’est pas totalement acceptés. On parle de nous parfois comme d’un mauvais exemple, alors qu’on a énormément de savoir-faire.

Et puis il y a eu le Covid, qui a changé beaucoup de choses : plein de jeunes collectifs sont apparus à ce moment-là. Parfois avec un manque de culture, mais c’est normal : tout se fait par cycles. Nous, on est un peu old school, mais on sait que ça reviendra aussi. Les modes passent, je n’aime pas courir après. Je préfère rester curieux.

Vous découvrez encore des choses nouvelles aujourd’hui ?

Tout le temps. Je continue d’écouter énormément de musique. J’essaie de partager, mais je ne suis pas un jukebox. Les plateformes balancent déjà des playlists toutes faites. Moi, mon rôle, c’est d’emmener les gens ailleurs. Je ne veux surtout pas être catalogué.

Cette année marque vos 35 ans de carrière. Comment les célébrez-vous ?

J’ai sorti « Legacy », un album de remix et d’inédits, sur les plateformes digitales. Il y a aussi mon festival, Jack in the Box, qui fête sa 10e édition à Marseille, et un label en projet. Et puis, bien sûr, une tournée spéciale pour mes 35 ans, avec des dates dans plusieurs régions. Je viens juste de jouer au Cabaret sauvage, à Paris.

Quand vous repensez à vos débuts, c’est quoi la date clé ?

Officiellement, 1990. C’est là que j’ai vraiment commencé ma carrière. Avant, je jouais un peu à Saint-Tropez, dans un petit cabaret, et à Metz quand j’étais à l’armée. Mais c’était encore du bricolage. 1990, c’est le vrai départ.

Quel regard portez-vous sur votre parcours ?

Je suis content. On s’est battus dans les années 90 pour que cette musique existe. Aujourd’hui, certains parlent de nous comme des vétérans, parfois même des légendes. C’est une reconnaissance. Mais ce qui compte, c’est de transmettre. Moi, j’aime quand c’est intergénérationnel. Quand tu fais danser des jeunes, des plus vieux, tout le monde mélangé. C’est ça, la musique !

Vendredi 19 septembre sur la péniche Frankielanuit, 78 allée de Barcelone, à Toulouse, de 22h à 2h.