Par

Thomas Rideau

Publié le

17 sept. 2025 à 20h46

Un coup de massue. Le 18 janvier 2022, Jordan Michallet mettait fin à ses jours. Mais, est-ce que le dramatique suicide de l’ouvreur du RNR (Rouen Normandie Rugby) est un accident du travail ? C’est, en substance, l’objet du débat qui s’est tenu au tribunal judiciaire de Rouen (Seine-Maritime), le 11 juillet 2025, révèle le journal L’Équipe. Dans une décision de justice, que 76actu s’est procuré, le tribunal explique que le suicide de Jordan Michallet « est survenu par le fait du travail, de sorte qu’il s’analyse comme un accident du travail ».

Des témoignages sur son mal-être au club

Trop de pression, trop utilisé ? Le joueur de rugby du RNR évoluait alors en Pro D2 dans un club qui se battait pour le maintien lors de la saison 2021-2022. Talentueux, buteur fiable, le jeune rugbyman de 29 ans vivait avec une immense pression sur les épaules.

Au tribunal, sa veuve, Noélie Michallet, rappelle que son remplaçant était blessé et que Jordan Michallet « enchaînait les matchs depuis le début de la saison. […] Il y a des blessures, le fait d’enchaîner les matchs, la pression des résultats, le club était dans les derniers au classement (avec une éventuelle descente dans la division inférieure) », et de préciser que « quand un club descend dans une division inférieure, il y a un risque que les sponsors vous lâchent, que les entraîneurs et joueurs partent, cela engendre des conséquences financières et sportives pour le club, les joueurs. »

« Il était beaucoup sollicité »

Elle a aussi insisté sur la pression propre à son rôle dans l’équipe : « Son poste, c’est demi d’ouverture, c’est le chef d’orchestre de l’équipe. Il a la responsabilité de mettre des points avec le jeu au pied. Il était beaucoup sollicité pour la stratégie du jeu, par les partenaires, les entraîneurs, les présidents, les sponsors, les autres joueurs et les supporteurs. Il avait beaucoup de pression, de sollicitations. »

L’un de ses coéquipiers abonde : « Par son rôle, son statut et sa personne, [Jordan Michallet] avait un rôle prépondérant au sein de l’équipe. Il était capitaine, buteur et leader stratégique et prenait chacun de ses rôles très à cœur. Il avait été utilisé de façon très conséquente due au fait qu’il manquait un joueur de son poste au sein de l’effectif avec un temps de jeu très important, ce qui l’a épuisé physiquement et mentalement. »

Un ancien joueur a également pris la parole : « Jordan Michallet faisait partie des joueurs qui détestaient les défaites plus qu’il aimait gagner, il se sentait coupable d’échouer en équipe. Ces défaites et le fait d’échouer lui procuraient un profond mal-être qui lui faisait tout remettre en cause dans sa vie. »

« Il était vraiment à bout de forces »

Au fil de l’audience, il apparaît clairement que la défaite face à Bourg-en-Bresse, alors dernier du championnat, a joué profondément sur le moral du numéro 10. Un membre du club le précise : « Jordan Michallet a pu me faire part de ses angoisses quant à la pression qu’engendre le fait de jouer le maintien, il ressentait un stress important et redoutait de revivre cette situation qu’il a connue lors des deux dernières saisons. »

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Un coéquipier rapporte un autre échange qu’il a eu avec Jordan Michallet à peine quatre jours avant le drame. « Je me rappelle avoir discuté à la gare Montparnasse avant un déplacement à Colomiers. Il me disait que ça n’allait pas, qu’il ne dormait plus, qu’il avait peur de la situation du club. Nous avons une psychologue en commun, il était allé la voir, mais que ça ne lui avait pas fait du bien pour ensuite me demander si « j’avais déjà eu des envies de suicide ». Je lui ai répondu que non et lui ai retourné la question, à laquelle il m’a répondu qu’il avait envie de tout arrêter, tout stopper parce que la situation dans laquelle était le club sportivement le rongeait, l’empêchait de dormir. Je lui ai conseillé, vu l’état dans lequel il était, d’aller voir les entraîneurs pour ne pas jouer et qu’il devait faire une pause. Il a refusé en me disant qu’il avait peur que le club le vire. Il a fini ce match toujours dans ce même état, on sentait qu’il était vraiment à bout de forces. »

En conclusion, le tribunal considère que le suicide « est survenu par le fait du travail, de sorte qu’il s’analyse comme un accident du travail. La CPAM (caisse primaire d’assurance maladie) de Rouen Elbeuf Dieppe devra en conséquence prendre en charge cet accident mortel au titre de la législation sur les risques professionnels ».

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