Quelques camions de police ouvrent la rue. Sur les boulevards, la circulation est bloquée. Ordre est donné aux passants de contourner par les étroites ruelles du centre-ville de Toulouse pour rejoindre leur destination. Sur la chaussée, des jeunes sont assis face à la maréchaussée. Certains sont masqués, d’autres jettent des avions en papier sur la ligne de CRS qui leur font face, en scandant « contre l’autorité, des avions en papier ».
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A l’appel de l’intersyndicale, entre 18 000 et 40 000 personnes battent le pavé à Toulouse. Une semaine après une première manifestation émaillée de violences, à l’appel du mouvement “Bloquons Tout”, les forces de l’ordre sont sur le pied de guerre. Dans les ruelles longeant le tracé de la manifestation déclarée, les équipes de la compagnie départementale d’intervention suivent les événements d’un coin de l’œil.
Drapeaux noirs et palestiniens font face au canon à eau des forces de l’ordre, place Jean-Jaurès, à Toulouse, jeudi 18 septembre. Photo © Cyril VielrecobreLes syndicats débordés par les “ultras”A LIRE Fabien Vanhemelryck : « Un électrochoc de sécurité est urgent »
Le cortège officiel, emmené par la CGT et la FSU est rapidement devancé par un millier de militants radicaux. Les messages sont plus hostiles que sociaux. « A.C.A.B » pour “All Cops are bastards” (“Tous les flics sont des batards”) sont scandés au nez et à la barbe des forces de l’ordre, entre deux “Siamo tutti antifascisti”, slogan de ralliement de l’extrême gauche. Pas de banderole contre les efforts budgétaires demandés par l’ancien Premier ministre, François Bayrou. Peu de message à l’encontre du nouveau chef du gouvernement, Sébastien Lecornu.
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Devant les chars de la CGT trônent les drapeaux noirs, floqués d’une tête de mort, des drapeaux palestiniens, LGBT et la faucille et le marteau. « C’est un premier cortège sur lequel on porte notre attention, car il peut vite se transformer en black bloc », confie un policier. Un cordon de CRS leur ouvre la voix et évite que le cortège ne s’écarte trop des organisateurs.
Alors, lorsque les policiers font patienter les “indépendants” de la manifestation, à quelques encablures du lieu de dispersion officiel, la tension monte d’un cran. Le bruit des tambours se fait plus martial. Les clapping encouragent la foule à presser le pas. « Laissez-nous passer », crie la foule. « La police nous bloque », murmure-t-on dans le cortège, comme pour désigner un coupable.
Finalement, les manifestants sont menés au carrefour des allées Jean-Jaurès où un face à face tendu se prépare avec les forces de l’ordre. Une compagnie de CRS bloque la progression du cortège et évite tout départ en manifestation sauvage. « C’est à ce moment-là que tout peut partir en vrille », explique un policier habitué des manifestations dans la ville rose. Certains jeunes s’assient devant le canon à eau disposé préventivement. Devant les photographes, des manifestants tout de noir vêtus lancent des avions en papier en guise de projectile. Pas de réponse.
« Contre l’Etat et pour la Palestine »
En marge du cortège, quelques jeunes viennent s’agréger au mouvement social. Souhaitant garder l’anonymat, il explique être présent « contre l’Etat et pour la Palestine ». A peine majeur, il se fait un malin plaisir de porter fièrement sa cagoule, loin du profil plus discret du militant d’ultra gauche. L’interview est vite interrompue par des militants d’extrême gauche. Non pas que la volonté affichée d’en découdre les dérange, mais nos questions importunent.
A quelques mètres de là, un homme d’une quarantaine d’années, pancarte “Macron Démission” peinte aux couleurs du drapeau national tente de s’extraire du cortège. « Je pars avant que les casseurs d’ultra gauche et la racaille ne sèment le désordre », confie-t-il. N’appartenant à aucun syndicat, il est venu « porter la voix de la France qui travaille », poursuit le manifestant venu s’agréger au cortège. D’autres n’ont pas pu quitter le cortège sans encombre. Selon nos confrères de La Dépêche, un manifestant s’est fait arracher son drapeau français, provoquant un début d’échauffourées.
Les syndicats plient bagage. La fin de la manifestation a sonné. Quelques policiers tentent de disperser les manifestants. Les premiers gaz lacrymogènes sont lancés. Les récalcitrants? poursuivent leur manifestation en direction de la gare Matabiau. Le cortège s’amenuise et se démembre, nombreux quittent le mouvement social. Certains individus échauffés lancent fumigènes et pétards.
37 personnes ont été interpellées à Toulouse, jeudi 18 septembre, selon la préfecture de Haute-Garonne. Photo © Cyril Vielrecobre
La place Belfort s’anime, une nuage de gaz lacrymogène envahit l’espace, des projectiles sont échangés avec les policiers. Une voiture prend feu devant une crèche, selon Actu Toulouse, sans que son origine ne soit pour l’heure identifiée. Rue Bayard, la brigade anticriminalité interpelle plusieurs individus hostiles devant les regards de ceux qui crient à la bavure. Ils feront partie des 37 interpellés à Toulouse Au total, 309 interpellations ont eu lieu en marge des manifestations en France, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Une vingtaine de forces de l’ordre et un journaliste ont été blessés.