« La propriétaire avait cet appartement rue Chauchat dont elle avait fait son bureau avant de le louer. Elle l’a repris pour en faire son appartement, c’est là qu’a démarré le projet », confie Céline Boclaud, fondatrice de Boclaud Architecture. Un bureau qui, s’il est plutôt en bon état, se voit entièrement refait afin de répondre à une nouvelle distribution des pièces avec, grand classique de l’haussmannien par rapport à notre époque, la cuisine côté cour et la chambre côté rue. Dans la nouvelle circulation créée, la cuisine s’intercale entre la salle à manger et le salon, pièces de réception donnant sur la rue et se prolongeant en enfilade par un grand dressing puis une chambre d’amis destinée à accueillir les petits-enfants des propriétaires.
Le salon est dominé par deux grands tirages photographiques de l’artiste espagnol Juan Uslé qui apportent leurs couleurs de même que leur rectangularité qui se duplique dans l’ouverture-passage menant à la cuisine. C’est tout l’esprit « classique revisité » de cet intérieur revu par Boclaud Architecture qui fait la part belle à la lumière et aux volumes.
BCDF Studio
Revisiter le bois
Démarrons donc la visite par la salle à manger. Boisée, elle donne l’un des fils rouges de cet appartement de 140 m2 pour deux, aux belles prestations haussmanniennes mais aux volumes généreux qu’il faut réchauffer. La pièce est traitée comme un boudoir, avec une grande bibliothèque en bois qui la rend un peu plus sombre mais plus chaleureuse. Vient ensuite la cuisine, dans un style plus épuré, simple. Conçue comme une pièce à vivre, elle en conserve le parquet à chevrons d’origine avec, au centre, un îlot qui laisse, comme le grand mur colonne de rangements habillé de beige, les volumes parler d’eux-mêmes. Les moulures au plafond sont reconstituées et le parti est pris de n’avoir aucun éclairage décoratif, remplacé par des spots sur rails, légers et discrets. La pièce est peinte dans un crème-beige d’une grande douceur. « C’est une peinture à la chaux qui donne de la matière sans apporter un graphisme envahissant, c’est neutre, mais en même temps cela donne une profondeur et se marie parfaitement avec l’essence de noyer des boiseries. » Une peinture à la chaux qui retire un peu de lumière blanche, dans un appartement très lumineux, éclairé par sept fenêtres en enfilade et, surtout, qui met en valeur les œuvres d’art disposées et accrochées un peu partout.
La salle à manger est en boiseries de noyer, apportant chaleur et intemporalité.
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Une grand tapisserie sur cadre côtoie une lampe Aspide (Gubi) et un objet en bois de Florence Dupenne.
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Une maquette de bateau vintage répond à des céramiques en terre brute dans un éclectisme tenu.
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Une ouverture sans porte relie la salle à manger et la cuisine, symétrique à toutes celles situées en façade.
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Faire rebondir la lumière
Et justement, avant de passer au salon, attardons-nous sur ces ouvertures qui nous font passer de pièce en pièce. Carrées, elles sont sans portes depuis la salle à manger jusqu’à la chambre d’amis, seule pièce qui se ferme pour plus d’intimité. « C’était important pour faire circuler la lumière et se rendre compte de l’ampleur de l’appartement, de sa longueur, et de cet enchaînement de fenêtres et d’ouvertures en séquences. » Des passages à angles droits, qui dialoguant avec les tirages photographiques XXL du salon, et un choix de matériaux – bois, travertin… – à la fois nobles et simples, épurés, répondant aussi à la personnalité de la propriétaire, d’une élégance discrète, privilégiant toujours une distinction sans ostentation qui se traduit par les volumes et la couleur à travers les matières – chaux, bois, miroirs – et les œuvres. « Tout est question de petits détails, comme ces étagères striées par une sorte de joint creux ainsi que sur la porte de la porte de la salle de bains. Des détails qui en rappellent d’autres d’origine, lorsque l’appartement abritait des bureaux… » À l’image du sol en béton ciré dans les espaces de circulation, dans lequel Céline Boclaud inclut des cornières en inox brossé, pour créer un joint de dilatation mais aussi un graphisme façon tapis de couloir, qui va de pair avec un jeu avec des miroirs pour agrandir visuellement la circulation et faire rebondir la lumière le plus loin possible.
On visualise depuis la salle à manger les ouvertures-passages qui font communiquer les pièces entre elles et diffusent une lumière naturelle abondante. Une distribution simple et efficace qui replace le style haussmannien dans notre époque.
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La cuisine est traité comme une pièce à vivre. Parquet en chevron, moulures au plafond répondent au travertin, à la peinture à la chaux et aux rangements géométriques laqués très clair. Autour de l’îlot, des tabourets Wire signés Overgaard & Dyrman (Jippi Design). Poterie (ACBL). Bouquet (Debeaulieu).
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Un classique singulier
Déplacée côté cour, la chambre voit ses murs lambrissés et ses rangements laqués comme ceux de la cuisine mais dans une autre tonalité : « On est très neutre dans le choix des matériaux et des couleurs. C’est ce que j’aime, décliner un monochrome et ne pas développer une multitude de matériaux. » Nous évoluons donc, à travers ces légers camaïeux, ces contrastes doux dans l’appartement d’une collectionneuse, pensé, mais discret. Il y a des œuvres, des pièces d’avant-garde, il y a des matières, il y a un jeu. Et même dans les couleurs, de ces grands formats de photos de mer en bleu et en vert à ce petit fauteuil Pacha, tout demeure discret. Même le grand papillon bleu de Jean-François Fourtou dans la chambre principale vit paisiblement, ainsi que la tapisserie montée sur cadre dans la salle à manger. Chaleureux, avec tous ses apports de boiserie, de matière et de peinture à la chaux mais humble malgré tout, cet appartement réalisé par Boclaud Architecture dégage une élégance discrète, entre boiseries classiques et stool d’Axel Chay, tabouret Tam Tam aux couleurs rasta, table basse vintage de famille – « la première pièce introduite dès les travaux terminés » – et œuvres d’artistes. Rien n’est en trop. Comme dans une bonne galerie, tout est posé, s’intègre et se met en valeur de façon réciproque, tout se suffit à soi-même dans un récit à la fois classique et singulier.
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