«Bonjour ? Ah, c’est pas courant d’entendre ce mot par ici !» La surprise est à la mesure de cette phrase, lancée dans un français impeccable derrière la porte en fer d’un camp perdu dans une vallée rocailleuse au nord de la ville de Harim, adossée à la frontière turco-syrienne. Celui qui l’articule se tient là, pantacourt kaki et chapeau safari bien vissé, campé dans l’entrebâillement du portail encombré de déchets et de couches usagées. C’est dans ce repaire isolé que vivent plus d’une centaine de francophones : environ 70 hommes jihadistes, accompagnés de leurs femmes et enfants.

«Vous n’avez pas pris de rendez-vous ?» reprend le jeune homme. C’est pourtant le protocole si l’on veut approcher «l’émir» des lieux, Omar Diaby (plus connu sous son alias «Omar Omsen»). Ce Franco-Sénégalais, petite cinquantaine, est le principal recruteur de combattants français en Syrie, responsable d’au moins 200 départs depuis 2012. Il est 11 heures du matin, l’agenda est serré, le proche d’Al-Qaeda s’apprête à faire une sieste. «Attendez, je vais voir s’il accepte de parler», baragouine le gardien.

Dix minutes s’écoulent. La porte finit par s’ouvrir sur une route étroite, ombragée de quelques arbres, qui serpente au milieu des cahutes blanchies à l’enduit. Et soudain, voici Diaby qui déboule, en trottinette électrique. Les salutations sont brèves, l’œil inquisiteur glissant par-dessus ses montures Emporio Armani. «Vous voyez ce camp ? On va y construire des villas pour