Du 16 au 18 septembre 2025, Donald Trump sera présent en Europe, et plus précisément en Grande-Bretagne, à l’occasion de sa première visite d’État sur le vieux continent depuis le début de son second mandat. Fidèle à son goût pour le spectaculaire, les dorures, et son admiration pour la famille royale, le 47e président des États-Unis fait de ce déplacement une vraie vitrine diplomatique. Les images de Buckingham Palace, la rencontre avec le roi Charles III et la mise en avant de la « special relationship » ne sont pas de simples gestes protocolaires : elles traduisent la volonté de Trump de réaffirmer au monde entier la force historique de l’alliance anglo-américaine, même dans un contexte international de plus en plus fragmenté et incertain.

Ce choix du Royaume-Uni comme première étape européenne n’a rien d’anodin. Loin d’être une simple visite de courtoisie, il s’agit d’un signal fort adressé à l’Europe : Trump veut rappeler que l’Amérique reste arrimée à Londres avant tout, et que la relation transatlantique passera d’abord par la capitale britannique. Cette stratégie illustre aussi une réalité géopolitique : depuis le Brexit, le Royaume-Uni n’est plus membre de l’Union européenne, mais il demeure un acteur de premier plan, capable de peser à la fois par sa diplomatie, ses capacités militaires et sa proximité historique avec Washington. Londres occupe ainsi une position singulière, entre un continent européen en quête de cohésion et une Amérique trumpienne, imprévisible, dont les priorités ne coïncident pas toujours avec celles de ses alliés.

C’est précisément dans ce rôle d’intermédiaire que réside la valeur stratégique du Royaume-Uni. Alors que l’Union peine à parler d’une seule voix sur les grands enjeux internationaux, Londres dispose encore d’un accès privilégié à la Maison-Blanche et au sein de l’OTAN. La relation personnelle, parfois tendue mais constante, que Trump entretient avec la classe politique britannique, renforce cette idée d’une médiation nécessaire. Emmanuel Macron et Keir Starmer s’efforcent d’imaginer une défense européenne plus crédible et plus autonome depuis plusieurs mois en amont d’un désengagement américain à venir de la région de plus en plus certain. Mais sans la Grande-Bretagne, l’équation reste incomplète, d’autant plus que la France et le Royaume-Uni sont les deux seules puissances européennes à disposer de la dissuasion nucléaire. C’est cette réalité, souvent oubliée dans les discours politiques, qui place Londres au cœur de toute stratégie de défense continentale.

La guerre en Ukraine, avec ses répercussions dramatiques et durables, a brutalement rappelé à l’Europe à la traîne la fragilité de son architecture de sécurité. Si les États-Unis restent, pour l’instant, le garant ultime de la sécurité européenne, l’incertitude entourant les intentions de Trump oblige les Européens à se réorganiser. Dans ce contexte, la relation américano-britannique joue un rôle de stabilisateur. L’armée britannique, ses capacités de renseignement, sa flotte et son expérience opérationnelle constituent des atouts dont l’Europe ne peut se passer. Londres offre une passerelle qui permet au vieux continent de garder un lien étroit avec Washington, même quand la politique américaine se replie petit à petit sur elle-même.

Face à Moscou aujourd’hui, mais aussi demain face à Pékin, les Européens savent qu’ils ne peuvent se permettre de tourner le dos à Londres. Depuis janvier dernier, le retour de Trump à la Maison-Blanche inquiète une large partie des dirigeants européens, qui redoutent ses coups de boutoir contre les institutions multilatérales et ses priorités nationales. Mais paradoxalement, cette inquiétude renforce encore le rôle de la Grande-Bretagne : seule capable de décoder les intentions américaines, elle se positionne comme l’allié naturel qui peut traduire, tempérer et parfois canaliser les choix de Washington. En définitive, cette visite d’État de Donald Trump en Grande-Bretagne est bien plus qu’un moment de diplomatie protocolaire. C’est un rappel que, malgré le Brexit, Londres reste un acteur central de la sécurité européenne. Dans un monde où la guerre est de retour aux frontières de l’Europe et où les grandes puissances redéfinissent leurs sphères d’influence, la solidité du couple anglo-américain pourrait bien être la clé de la survie stratégique du continent.

(*) Docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS (Bruxelles), associé au Cnam Paris (équipe Sécurité Défense), à l’Institut d’études de géopolitique appliquée (IÉGA Paris), au Nordic Center for Conflict Transformation (NCCT Stockholm) et à l’Observatoire géostratégique de Genève (Suisse).