Après plusieurs jours d’intenses polémiques déclenchées par une banderole du Kop demandant à Marc Keller de s’en aller, des sanctions ont été prises ce 18 septembre à l’encontre de quatre associations du Racing Club de Strasbourg, dont les UB 90. Des mesures restreignant certaines libertés que les ultras strasbourgeois avaient jusqu’à présent, justifiées par le président salarié du Racing par « une attaque inacceptable contre l’institution ».
Ça allait bien finir par arriver. Depuis le début de la grève des encouragements décidée en août 2024 par les UB 90, la Fédération des supporters, le Kop Ciel et Blanc (KCB) et la Pariser Section, les relations entre les ultras strasbourgeois et la direction du Racing Club de Strasbourg s’étaient sérieusement rafraichies. Et ce dimanche 14 septembre, elles se sont soudainement enflammées.
À travers deux banderoles, une visant Emanuel Emegha signant à Chelsea et une autre appelant Marc Keller à s’en aller, les ultras strasbourgeois ont allumé un feu qui a nourri pendant plusieurs jours une atmosphère de chaos autour du Racing. Et après une tempête médiatique dans la presse et sur les réseaux sociaux qui méritera d’être analysée, Marc Keller a convoqué une conférence de presse ce 18 septembre, dans laquelle il a annoncé que des « mesures à l’encontre des clubs de supporters de la tribune ouest » allaient être prises.
© Nicolas Kaspar / Pokaa
La fin des libertés pour les ultras strasbourgeois
Celles-ci sont tombées dans la soirée, par la voix de L’Équipe. Informées par mail, les UB 90, la Fédération des supporters, le KCB et la Pariser Section ne profiteront plus des mêmes libertés que celles qu’elles avaient par le passé. Dans le détail :
- L’accès aux locaux mis à disposition sous la tribune Ouest sera désormais contrôlé par la sécurité du Racing.
- Interdiction aux ultras d’avoir accès à l’espace leur permettant de confectionner tifos et banderoles dans le stade.
- Banderoles et tifos devront être présentés en amont, et validés par le club.
- À ce sujet, tout support à des fins politiques, idéologiques, philosophiques, injurieuses ou présentant un message à caractère discriminatoire, portant atteinte à la dignité et/ou susceptible de nuire à l’état physique et/ou psychologique d’autrui, insultant, vexatoire, raciste, xénophobe ou homophobe ou délivrant un message insultant sera refusé [ça en fait des conditions, ndlr]. Une volonté assumée par Marc Keller, qui assène que « la Meinau n’est pas un endroit politique ».
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- Des stadiers/ères seront installé(e)s dans le Kop, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
- L’accès et les axes de circulation privilégiés au stade ou à la pelouse sont révoqués.
- Il n’y aura plus de facilités pour la billetterie sur les matches à l’extérieur.
- Les billets seront à nouveau nominatifs.
- L’opération des consignes sur les gobelets au profit des associations est suspendue.
- Pour terminer, tout geste répréhensible sera sanctionné d’une interdiction commerciale de stade et d’un dépôt de plainte.
Un tour de vis imposé, qui entre en vigueur dès ce vendredi 19 septembre.
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Un tour de vis sécuritaire, en réponse à une « attaque inacceptable contre l’institution »
Côté Racing, Marc Keller et Alain Plet (directeur général adjoint) justifient ces décisions en conférence de presse par le fait que « quelques personnes ont franchi la ligne rouge », car « attaquer l’institution, le projet et notre capitaine, c’est inacceptable ». Le DGA précise : « Le club a été nickel avec eux et on se sent trahi par ce qu’il s’est passé dimanche dernier. Donc évidemment que le ton des discussions va changer. » Et si les mesures sont amenées à être évolutives, laissant une place théorique à l’apaisement, le ton est désormais beaucoup plus strict.
Car si elles sont définies comme mesures, celles-ci ressemblent à des sanctions pures et simples ; notamment en contrôlant l’identité des ultras, tout en renforçant la surveillance des agissements des quatre associations concernées. Le tout, sans même évoquer la décision d’interrompre temporairement les dons de consignes.
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Enfin, ces mesures ressemblent à des sanctions, car elles restreignent fortement la liberté d’expression des ultras, notamment avec les conditions floues régissant les potentiels futurs messages inscrits sur les banderoles.
Les ultras pourront-ils encore contester la multipropriété, ou cela sera-t-il considéré comme « idéologique » ou pire, « philosophique » ? Pourront-ils s’interroger sur les mouvements entre Strasbourg et Chelsea, ou cela sera-t-il considéré comme « vexatoire » ? Elle est loin, la liberté pour les ultras.
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Surtout, si l’effet recherché du duo Keller/Plet était de taper du poing sur la table, attention à l’effet boule de neige. La réputation du Racing à l’échelle nationale pourrait sérieusement en pâtir : de club sympathique et apprécié de tous, le Racing peut désormais être vu en national comme une tête de gondole du phénomène de multipropriété aux mouvements inter-clubs exacerbés. Et qui, en plus, restreint la liberté de ses ultras. Marc Keller peut bien parler de « jalousie » de la part d’autres clubs en conférence de presse, l’image du club se retrouve écornée, et les ultras adverses iront sans doute soutenir ceux de Strasbourg.
Il reste à voir comment les associations vont réagir, elles qui se laissent pour le moment le temps de la réflexion. Mais il est sûr que le match de Marseille marquera un nouveau tournant dans l’histoire du Racing Club de Strasbourg, avec le prolongement d’un conflit opposant pourtant des protagonistes aimant toutes et tous le club.
En attendant, ce qu’il faut retenir pour le futur du Racing ne peut pas être mieux résumé que par Marc Keller lui-même : « On était un club différent, et avec ce qu’il se passe on va redevenir normal. » Et c’est triste.