PORTRAIT – Le meneur présumé de l’attentat de la rue des Rosiers a été arrêté par l’Autorité palestinienne 43 ans après les faits, et deux jours avant la reconnaissance officielle par la France d’un État palestinien.
De lui, on ne sait presque rien, hormis son nom. Mahmoud Khader Abed, alias Hicham Harb, est suspecté d’avoir mené l’épouvantable attentat de la rue des Rosiers, le 9 août 1982 à Paris, qui a fait six morts et 19 blessés dans cette rue du quartier juif du Marais. Il fait partie des six hommes renvoyés en juillet devant la cour d’assises spéciales de Paris dans le cadre de l’enquête sur la plus ancienne affaire de terrorisme ouverte devant la justice.
Cet attentat antisémite, le plus grave qu’avait alors connu la France depuis la Libération, est longtemps resté nimbé de mystère. Mais 43 ans après les faits, le terroriste a été arrêté par l’Autorité palestinienne, deux jours avant la reconnaissance officielle par la France d’un État palestinien. Son «extradition rapide», annoncée par Emmanuel Macron dans la foulée, ouvre la voie à la comparution prochaine de cet homme de 70 ans. Il aura fallu 32 ans d’enquête pour identifier Mahmoud Khader Abed comme l’un des membres du commando.
Le juge Brugère, en charge du dossier entre 1982 et 2007, soupçonne fortement le Fatah-Conseil révolutionnaire d’Abou Nidal, un groupe palestinien dissident de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Pour le reste, le magistrat piétine et l’enquête finit par s’essouffler. Il faut attendre 2007 et sa reprise en main par le juge Marc Trevidic pour lui donner un nouvel élan.
Témoins 93 et 107
Ce magistrat pugnace et entêté se lance pendant plusieurs années dans une enquête d’échelle planétaire. En 2008, il parvient à identifier deux anciens du Fatah-CR, dissous en 2002, qui acceptent de témoigner anonymement. Ce sont ces deux hommes, connus sous le nom des témoins 93 et 107, qui désignent Mahmoud Khader Abed, résidant à Ramallah en Cisjordanie, comme «chef de groupe sur le terrain».
Hicham Harb sera aussi reconnu par l’une des victimes, Guy Benarousse, âgé de 16 ans le jour de l’attentat. D’après son témoignage, Mahmoud Khader Abed aurait tenté de l’abattre au moment de s’enfuir avec ses complices. Le jeune homme est touché d’une balle à la jambe. Le visage de son agresseur reste gravé dans sa mémoire. Des années plus tard, il le désigne sans hésitation aux enquêteurs qui lui présentent une série de photographies.
Si Mouhamad Souhair Al-Abassi, alias Amjad Atta, semble être le véritable cerveau de l’opération, Mahmoud Khader Abed en est le bras armé et, en quelque sorte, le numéro 2. Les témoins 93 et 107 affirment au juge Trevidic qu’Hicham Harb fut d’abord instructeur de tir dans les camps d’entraînement syriens d’Abou Nidal, avant de devenir responsable de l’armement pour l’Europe et l’Asie. Désigné pour diriger le commando rue des Rosiers, il effectue avec Amjad Atta une reconnaissance sur place un mois avant le massacre. Les deux hommes se font passer pour des étudiants.
Vers une extradition en France ?
L’enquête révèle également que c’est Hicham Harb qui aurait récupéré les pistolets-mitrailleurs et les grenades dans une cache secrète. Retrouvés quelques jours après le drame dans le bois de Boulogne, ces pistolets WZ-63 de fabrication polonaise seront la signature qui mettra les enquêteurs sur la piste du Fatah-CR, le groupe n’ayant pas revendiqué l’attentat. C’est encore Mahmoud Khader Abed qui a désigné la cible à ses complices le 9 août, leur a indiqué comment s’enfuir et où se débarrasser des armes.
Le 20 février 2015, le juge Trévidic lance trois mandats d’arrêt internationaux visant les membres identifiés du commando, dont Mahmoud Khader Abed. Mais son extradition se heurte pendant plus de 10 ans à l’Autorité palestinienne qui argue que son territoire n’a pas le statut d’État reconnu. Il est «inextradable», avait encore lancé le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti en 2022, devant l’Assemblée nationale.
Son arrestation a été annoncée quelques jours avant la reconnaissance par la France d’un État palestinien. Une récompense indicible pour les avocats et représentants des familles de victimes, après plus de 40 ans d’acharnement. «Il a joué un rôle prépondérant dans ce carnage, il doit être jugé en France», souligne Yohan Taieb, porte-parole de victimes de l’attentat, qui souligne le «soulagement» de plusieurs familles. La date du procès n’a pas encore été communiquée. La comparution de Mahmoud Khader Abed n’a pas non plus, pour l’heure, été confirmée par la justice française.