L’Union européenne s’apprête à franchir un cap inédit dans sa relation avec Israël. Après des mois de débats internes, Bruxelles a décidé de préparer un train de sanctions ciblées, motivées par l’aggravation du conflit à Gaza et les accusations répétées de violations du droit international humanitaire.
Historique, une telle mesure, réclamée par plusieurs États membres, constituerait une rupture majeure dans l’approche européenne, longtemps marquée par la prudence et l’attachement au dialogue. Jeudi, le président français Emmanuel Macron il ouvrait clairement la porte à des sanctions ciblées : « contre des ministres extrémistes israéliens, des responsables de colons violents ou des acteurs clés soutenant les politiques controversées ». Il affirme que si l’offensive à Gaza City se poursuit dans les formes actuelles, cela obligera la France — et plus largement l’Europe — à débattre de sanctions économiques plus larges.
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Pourtant, l’UE se trouve encore suspendue à la position d’un acteur majeur : l’Allemagne. Berlin, partenaire stratégique d’Israël et pilier économique du bloc, hésite en effet à franchir le pas. Le gouvernement de coalition, divisé sur la question, redoute d’affaiblir une relation bilatérale historiquement chargée de responsabilité morale. Les chancelleries européennes observent avec attention les délibérations de la capitale allemande : sans son aval, le consensus nécessaire à Bruxelles resterait fragile.
Représailles israéliennes
Israël a de son côté immédiatement haussé le ton. Le ministère des Affaires étrangères a dénoncé une « ingérence hostile » et averti que toute mesure coercitive européenne entraînerait des représailles diplomatiques et économiques. Déjà, certains responsables israéliens agitent la menace d’une révision des accords de coopération scientifique et sécuritaire avec l’UE, un levier sensible dans des domaines allant de la cybersécurité à l’innovation technologique. « Quiconque en possession d’un smartphone a un bout d’Israël entre les mains », déclarait cette semaine Netanyahu, vantant l’incontournable avance technologique de son pays qui fournit le reste du monde notamment en semi-conducteurs et microprocesseurs.
Pour les partisans des sanctions, il s’agit d’un test de crédibilité pour l’Union européenne. Ils estiment que l’UE ne peut plus se limiter à des déclarations de principe, alors que les bombardements se poursuivent et que la situation humanitaire atteint un seuil critique. Plusieurs gouvernements, notamment en Espagne, en Irlande et en Belgique, poussent à l’adoption rapide de mesures concrètes, telles que des restrictions sur les exportations d’armes, des gels d’avoirs ou des limitations de coopération.
À l’inverse, les pays les plus réticents redoutent un effet boomerang. L’Allemagne mais aussi la Hongrie, fidèle alliée de Tel-Aviv, mettent en garde contre un isolement diplomatique de l’UE vis-à-vis des États-Unis, dont la ligne reste plus indulgente. Certains craignent également que des sanctions ne compromettent la médiation européenne dans un processus de paix déjà moribond.
Dans ce bras de fer, l’équilibre interne de l’UE apparaît plus que jamais sous tension. Si Berlin finissait par s’aligner sur ses partenaires les plus critiques, le signal envoyé à Israël serait sans précédent. Mais en cas de blocage, c’est l’unité européenne elle-même qui se verrait affaiblie, exposant les fractures profondes d’un continent partagé entre solidarité historique et impératif de cohérence diplomatique.
À Tel-Aviv comme à Bruxelles, chacun retient son souffle en attendant la décision allemande. Elle pourrait sceller l’entrée de la politique européenne au Moyen-Orient dans une nouvelle ère, faite de rapports de force assumés plutôt que de prudence diplomatique.
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