Thierry Vimal avait écrit ses chroniques « Ça passe crème » comme un exutoire. Et pour que ça existe. « Chronique obscène, révoltée, poétique, (et tristement la seule) du procès de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice », prévenait-il sur le blog.

450 pages au vitriol, lucides, trash et crues, où ce père endeuillé n’épargne personne, ou presque, égratignant à tout-va, dans une paradoxale bienveillance. L’écrivain dressait ainsi un tableau sur-réaliste et alternatif du premier procès – de septembre à décembre 2022 – de l’attaque terroriste qui a fait 86 morts. Dont sa fille Amie, 12 ans. La souffrance dans le (sou) rire. Et vice et versa.

Dix ans après le drame

Dix ans après le drame, le papa auteur écrit une nouvelle vie à ses chroniques. Elle se fera sur les planches. « C’est un ami comédien, Erwan Quesnel, qui m’a soufflé l’idée: adapter ça passe crème au théâtre », sourit Thierry Vimal. À ses côtés, son partner in crime: le comédien et metteur en scène engagé Jonathan Gensburger, emballé comme un gosse par le projet. « Sur les 450 pages, on en a gardé 28. On a éliminé tout ce qui était mon histoire personnelle », lance Thierry Vimal. Il fallait conserver un équilibre, rendre le texte accessible à ceux qui n’ont pas assisté au procès. « Ça reste chronologique », ajoute-t-il.

Il ne jouera pas son propre rôle. « Je n’ai pas le talent, je ne veux pas tirer le truc vers le bas. Ça me ferait chier en tant qu’auteur d’être nul en tant qu’acteur », rigole-t-il.

« C’est un théâtre qui dit des choses »

« Je connaissais son histoire bien sûr… On ne s’est rencontrés qu’il y a peu, mais je crois que l’on s’entend très bien. J’ai tout de suite lu 19 tonnes [1], j’ai été saisi par sa plume. Je suis terriblement excité par ce projet », rétorque Jonathan Gensburger à qui Thierry Vimal a confié la mise en scène de son monologue. « La pièce ne s’appellera pas ça passe crème mais Prom_14 », disent-ils en chœur. Un peu comme V13… le nom de code du procès des attentats de Paris perpétrés en 2013. « C’est le théâtre que j’ai envie de faire, un théâtre politique, pas de la soupe tiède, un théâtre qui dit des choses », argumente le comédien niçois. Pour lui, « l’œuvre de Thierry est d’utilité ici, mais elle a aussi valeur universelle: on parle barbarie, humanité, souffrance. En fait, on parle de la vie ».

À La Semeuse en juin 2026

Et ça y est, les deux artistes ont trouvé le théâtre qui accueillera Prom_14. Ce sera à La Semeuse les 25 et 26 juin 2026. Juste avant l’anniversaire des 10 ans de l’attentat. Une autre forme d’hommage. Et d’espérer que la pièce vive après, ailleurs, longtemps. « Elle a vocation à voyager, à tourner », chuchote Thierry Vimal.

Alors bien sûr, pendant une heure et 15 minutes environ, il sera question « de ce qui s’est passé » ce soir-là. Le spectateur se prendra l’horreur en pleine face. L’horreur de ces quelques minutes entre 22h32 et 22h50. La course folle et sanglante d’un camion blanc, conduit par le terroriste, qui sème la mort sur la promenade des Anglais. Mais ce ne sera pas seulement ça. « Thierry est un auteur qui sait mieux que personne manier l’humour et l’ironie », décrypte le metteur en scène.  » Il y aura l’insupportable, puis très vite ça redeviendra supportable », conclut l’auteur.

1. Le livre de Thierry Vimal.