Elle confie n’avoir jamais tenté la psychanalyse et c’est peut-être ce qui donne à chacun de ses livres une telle sincérité, réservée à l’écriture. Quand Justine Lévy raconte son sentiment d’étrangeté, les angoisses qui cognent, ses mots consolent de tout ce qui nous ronge aussi. D’autant qu’elle a l’élégance de la distance faussement légère, l’écriture solaire. La psychanalyse le sait, on ne guérit pas de ses traumas, on peut juste tenter de cohabiter, en volant toute la joie possible dès qu’elle se pointe.
Sublime, aventurière, fantasque, révoltée, dévorée par la violence du passé, Isabelle Doutreluigne, morte à 54 ans, aurait enflammé l’écran si sa vie avait été adaptée au cinéma. Thelma et Louise à elle seule. C’était aussi une mère défaillante et héroïnomane à force d’avoir été bousillée par des parents ogres. «Il y avait, dans notre famille, un côté Dupont de Ligonnès. Mais double Dupont. Côté père et côté mère», ironise Justine Lévy, sa fille, dont chaque cellule reste habitée par le manque maternel. Deux décennies après sa disparition, l’écrivaine plonge aux origines de la tragédie. Et c’est superbe. Inventaire d’un petit bout de son ciel.