Trois siècles après sa
disparition, le dodo, symbole de la fragilité des espèces face à
l’Homme, pourrait retrouver la vie grâce aux avancées du génie
génétique. L’entreprise américaine Colossal Biosciences annonce en effet une étape
majeure dans ce projet ambitieux : la création de cellules
germinales capables de donner naissance à des oiseaux présentant
les caractéristiques du dodo.
Une avancée scientifique sans
précédent
Colossal Biosciences, basée au
Texas, a réussi pour la première fois à cultiver des cellules
germinales primordiales de pigeon, des cellules considérées comme
les précurseurs des spermatozoïdes et ovules. Ces cellules
constituent la base du projet de dé-extinction du dodo. En
parallèle, l’entreprise a développé des poulets génétiquement
modifiés qui serviront de « substituts » pour accueillir ces
cellules. Les pigeons Nicobar, les plus proches parents vivants du
dodo, fourniront les gènes nécessaires pour guider le développement
des caractéristiques spécifiques de l’oiseau disparu.
Beth Shapiro, directrice
scientifique de Colossal, souligne l’importance de cette étape : «
C’est un jalon crucial pour le projet Dodo, mais aussi pour la
conservation des oiseaux en général. » Cette réussite technique
marque le début d’une phase où les modifications génétiques
pourraient progressivement transformer des poulets en porteurs
d’éléments du génome du dodo.
Comment le dodo pourrait
renaître
Le processus de « résurrection
» repose sur une approche méthodique et sur plusieurs générations.
Les cellules germinales cultivées sont modifiées pour inclure les
gènes caractéristiques du dodo, puis injectées dans des embryons de
poulets stériles. Ces poules produiront une progéniture capable de
générer des œufs et du sperme comportant les traits génétiques du
dodo. Au fil des générations, les scientifiques espèrent obtenir
des oiseaux vivants qui reproduisent fidèlement l’apparence et
certains comportements de l’espèce éteinte.
Ben Lamm, directeur général de
Colossal, estime que les premiers résultats pourraient être
visibles dans cinq à sept ans, bien plus rapidement que certaines
projections initiales qui parlaient de plusieurs décennies. Pour
maximiser les chances de succès, l’entreprise collabore avec des
groupes de protection de la faune afin d’identifier des sites sûrs,
exempts de prédateurs comme les rats, notamment sur l’île Maurice,
dernier habitat naturel du dodo.
Crédit :
iStock
Crédits : Thomas Faull/istockUn financement et un soutien
massif
La dé-extinction du dodo
s’inscrit dans un programme de recherche ambitieux et bien financé.
Colossal a obtenu 150 millions de dollars en 2023, suivis d’un
financement supplémentaire de 120 millions de dollars, portant le
total à 555 millions de dollars. Ces ressources permettent de
soutenir non seulement le projet Dodo, mais aussi d’autres
initiatives visant à restaurer des espèces disparues, telles que le
tigre de Tasmanie, le moa géant de Nouvelle-Zélande ou les
mammouths laineux.
L’entreprise a également
développé de nouvelles méthodes pour sauver des espèces menacées,
comme les loups terribles, en utilisant des techniques d’assemblage
du génome. Cette expertise montre que la dé-extinction n’est pas
seulement théorique : elle repose sur des technologies de pointe
déjà éprouvées sur d’autres espèces.
Débats éthiques et
critiques
Si la perspective de voir le
dodo renaître fascine, elle soulève aussi des questions éthiques.
Certains critiques doutent de la possibilité de recréer un animal
disparu, arguant que la reproduction exacte de l’espèce est
impossible. Colossal précise que l’objectif n’est pas de produire
un dodo génétiquement identique à 100 %, mais de créer des copies
possédant ses caractéristiques principales.
Les défenseurs de
l’environnement mettent également en garde contre les risques pour
les espèces utilisées comme porteurs des cellules génétiques et
l’impact potentiel sur les écosystèmes. La création d’un habitat
sûr, sans prédateurs, et la protection des populations animales
déjà existantes seront donc essentielles pour la réussite du
projet.
Une vision pour l’avenir
Malgré les critiques, la
dé-extinction du dodo représente un symbole puissant de ce que la
science moderne peut accomplir. Elle illustre non seulement les
progrès en génétique et en biotechnologie, mais aussi l’ambition de
restaurer des espèces éteintes et de renforcer la conservation.
Si le projet aboutit, il
pourrait transformer la manière dont nous concevons la conservation
et offrir une deuxième chance à des espèces perdues depuis des
siècles. Au-delà du dodo, ces techniques pourraient servir à
protéger et à restaurer des écosystèmes entiers, ouvrant une
nouvelle ère pour la biodiversité.
La question reste toutefois
ouverte : la science pourra-t-elle vraiment redonner vie à un
animal disparu depuis 300 ans, ou ne s’agira-t-il que d’une
imitation génétiquement inspirée du dodo ? Le monde attend
désormais les premières preuves tangibles, qui pourraient
émerveiller et bouleverser à la fois scientifiques et grand
public.