- Le maire de Saint-Etienne est jugé à partir de ce lundi à Lyon.
- Gaël Perdriau est accusé d’avoir fait du chantage à la sextape.
- On vous explique tout ce qu’il faut savoir avant le début du procès.
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Chantage à la sextape à la mairie de Saint-Étienne
Sexe, mensonges et vidéo, c’est aussi le titre que pourrait avoir cette affaire digne d’un thriller politique. Gaël Perdriau, le maire de Saint-Etienne, est jugé à partir de ce lundi 22 septembre à Lyon. Avec sept autres prévenus, l’élu de 53 ans est accusé d’avoir fait chanter son principal rival politique avec une vidéo intime enregistrée à son insu. Protagonistes hétéroclites, scénario pernicieux et enregistrements compromettants, TF1info revient sur tout ce qu’il faut savoir avant l’ouverture du procès.
Le bras droit, l’appât et la balance
Principal accusé, Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne depuis 2014. Entré en politique par les rangs de la droite en 1995, il a été exclu du parti Les Républicains (nouvelle fenêtre)quand le scandale a éclaté et s’est mis en retrait à la métropole. Jugé pour « chantage », « détournement de fonds publics » et « association de malfaiteurs », il se dit innocent et continue donc de diriger la Ville. Exclu du parti Les Républicains, il aborde le procès « combatif » et « déterminé » à faire valoir son innocence, assure son avocat Me Jean-Félix Luciani. Selon une expertise psychologique jointe à la procédure, cet homme « solitaire et fragilisé » depuis les révélations, a « une faible capacité de remise en cause et d’autocritique ».
Mais si le principal protagoniste est un maire, cette affaire du chantage à la sextape réunit une galerie hétéroclite d’acteurs. À commencer par Pierre Gauttieri, le bras droit fidèle de l’élu. Directeur de cabinet du maire (nouvelle fenêtre)de 2014 à 2022, il se définit comme « l’homme de l’ombre du maire » … Qu’il a fini par lâcher. Après être passé aux aveux, il assure désormais que Gaël Perdriau a donné son « feu vert » au piège. En instance de divorce, malade, il dit avoir entamé un suivi psychologique et être dorénavant « en paix avec lui-même ».
Comme tout bon piège a besoin d’un appât, c’est Samy Kefi-Jerôme qui aurait été désigné pour l’identifier. Ancien professeur des écoles, il est nommé adjoint au maire en charge de l’Éducation en 2014. Ce centriste, charmeur et ambitieux, reconnaît avoir servi « d’entremetteur » avec le prostitué (nouvelle fenêtre), d’avoir installé la caméra cachée et avoir participé au chantage. Il a démissionné en 2022 de la mairie et a quitté Saint-Étienne, mais conserve un mandat de conseiller régional.
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En couple de 2001 à 2014 avec « l’entremetteur », Gilles Rossary-Lenglet apparaît aussi bien comme « cerveau » que comme la « balance ». Sollicité par son conjoint dans cette affaire, cet homme fantasque qui réseaute dans le milieu politique stéphanois aurait eu l’idée d’un piège à connotation sexuelle et se serait occupé des détails techniques de l’opération. En 2022, malade, séparé et au chômage, il a tout révélé à Mediapart (nouvelle fenêtre), qui publie son enquête le 26 août. S’il se présente comme un « lanceur d’alerte », les enquêteurs pensent plutôt qu’il a agi par désir de vengeance et dépit.
Enfin, deux couples à la tête d’associations stéphanoises sont quant à eux renvoyés devant la justice pour « abus de confiance » dans le cadre du volet financier de l’affaire, dont ils ignoraient les tenants et aboutissants. Le couple Robert et Nicole Giacomel de l’association France-Lettonie Loire Auvergne et le duo Philippe Buil et Chantal Sabatier de la Galerie Art Pluriel sont en effet soupçonnés d’avoir encaissé 20.000 euros de fonds municipaux par organisation et de les avoir en grande partie reversés à Gilles Rossary-Lenglet, sans qu’il n’exerce de tâches liées à ces subventions. Preuve, selon les conclusions des enquêteurs, que le piège a été financé par des subventions municipales accordées sur « la réserve du maire » à deux associations, ayant servi de « société taxi ».
Une victime « muselée » de longues années
Voilà pour les huit visages qui seront sur le banc des accusés. Et du côté des victimes ? La cible du chantage est Gilles Artigues. Ancien député centriste, il avait passé un accord électoral avec Gaël Perdriau pour reprendre Saint-Étienne à la gauche en 2014. S’il lui a laissé la mairie, il prend le poste de premier adjoint. Très implanté localement, il menace rapidement de faire de l’ombre au maire. Cet élu encombrant va alors être piégé et filmé à son insu avec un escort-boy dans une chambre d’hôtel parisien en janvier 2015. Père de famille catholique, opposant au mariage homosexuel, il assure avoir été contraint à rentrer dans le rang sous peine de voir la vidéo intime divulguée. Une fois le dossier rendu public, Gilles Artigues confirme avoir été victime d’une « machination » et dépose plainte.
Ancien maire UMP-Rad de Saint-Étienne, Michel Thiollière est également partie civile, parce que Pierre Gauttieri a, un temps, aussi envisagé de le piéger, cette fois avec une prostituée mineure, avant d’abandonner l’idée. L’escort-boy, dit « Théo« , ignorait qu’il servirait à un piège et s’est aussi déclaré victime. Âgé de 37 ans, il vit désormais en Irlande.
Plusieurs enregistrements compromettants
Suite au dépôt de plainte de Gilles Artigues, la justice a immédiatement procédé à des perquisitions, y compris au domicile du maire, mis plusieurs protagonistes sur écoute et placé tous les acteurs du dossier en garde à vue. C’est pourquoi dans cette affaire sulfureuse, les enquêteurs peuvent compter sur de nombreux enregistrements, souvent captés à l’insu des parties et pas toujours à leur avantage. Parmi eux, la fameuse vidéo intime qui aura poussé Gilles Artigues à rester dans le silence. Cette « sextape » est en fait un montage vidéo, réalisé à partir de ces images volées et qui a été retrouvé pendant l’enquête. Comme dans un générique de film, des phrases, dont « In bed with Gilles Artigues », apparaissent sur fond noir, suivi d’une page Wikipédia sur son engagement en faveur du catholicisme et des photos suggestives de l’escort.
D’autres enregistrements, captés par la victime, retracent quant à eux les échanges avec le maire de Saint-Étienne ou son directeur de cabinet. Des conversations rythmées par les menaces et les insultes. Comme cette conversation de novembre 2017, au cours de laquelle le maire rappelle à sa cible qu’une fois le contenu publié sur les réseaux sociaux, « c’est plus du chantage… c’est une exécution. Mais « on n’est pas obligé de les diffuser publiquement », ajoute-t-il, d’après ces contenus auxquels l’AFP a pu avoir accès, « elle peut l’être en petits cercles, avec parcimonie… »
Autant de pièces à conviction qui seront étudiées au cours du procès qui doit durer une semaine. Gaël Perdriau, qui n’exclut pas de se représenter en 2026, encourt jusqu’à dix ans de prison et une peine d’inéligibilité avec exécution immédiate.
F.S. avec AFP