S’il n’est un secret pour personne que la relation entre Washington et La Havane s’est tendue depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, les conséquences pour la population cubaine vont bien au-delà des mots et dépassent largement le cadre de l’affrontement diplomatique.
Lors de la présentation du nouveau rapport annuel du ministère cubain des Affaires étrangères (Minrex) sur l’impact du blocus économique, commercial et financier imposé par les États-Unis à l’île communiste, le ministre Bruno Rodriguez a dénoncé que la stratégie de « pression maximale » imposée à l’île aurait causé des dommages et préjudices estimés à 7,5 milliards de dollars entre mars 2024 et février 2025, soit une hausse de 2,5 milliards de dollars (+ 49 %) par rapport à la période précédente.
Accusant son homologue Marco Rubio de mener un programme « personnel et violent » contre l’île pour y provoquer un « changement de régime », le numéro un de la diplomatie cubaine a fustigé les « pressions exercées par Washington » pour asphyxier économiquement la nation caribéenne, notamment en l’excluant du système financier international ou en cherchant à la priver de revenus tels que ceux provenant de la collaboration interétatique en matière de santé.
Intensification du blocage financier et paralysation de nombre d’opérations mercantiles
« Les premiers mois de l’administration Trump se sont révélés désastreux pour Cuba, qui était déjà en proie à une crise humanitaire et économique », confiait il y a quelques mois à l’Humanité Michael Galant, chercheur au sein du think tank progressiste étasunien Centre de recherche économique et politique – CEPR (et coresponsable de son l’Observatoire des sanctions).
À peine intronisé, le 20 janvier dernier, il n’avait fallu que quelques heures à Donald Trump pour ordonner le retour de Cuba sur la liste noire des États soutenant le terrorisme, dont elle avait été retirée par Joe Biden seulement six jours auparavant. Une réinscription qui a tout de suite accru le blocage financier et économique déjà subi par l’île, coupant l’accès aux banques, financements et fournisseurs internationaux, dissuadant les potentiels investisseurs et partenaires commerciaux et paralysant de fait nombre d’opérations mercantiles.
Depuis fin janvier, les actions de l’administration Trump visant à durcir davantage les sanctions visant Cuba s’accumulent, sur la base de la conviction de certains autour du secrétaire Marco Rubio que le gouvernement cubain « est à son point le plus faible depuis des décennies et qu’il est donc mûr pour un changement de régime » (lire le rapport de l’Observatoire des sanctions du CEPR publié en avril dernier).
Une intention de « torpiller » les relations économiques internationales
Dans son rapport de quarante-quatre pages, le ministère cubain des Affaires étrangères revient en détail sur les conséquences du retour de Donald Trump pour l’économie et la population cubaine. Parmi ses décisions les plus notables, la revalidation de l’application du Titre III de la Loi Helms-Burton – un outil juridique servant à dissuader et punir toujours plus les investissements étrangers à Cuba en étendant le blocus au niveau judiciaire international – avec plusieurs dizaines de procédures judiciaires visant notamment le tourisme, les secteurs maritimes, minier, et du BTP, la livraison et la distribution de carburants, le trafic aérien et l’agriculture.
Pour La Havane, les multiples déclarations issues de l’administration trumpiste ou de législateurs anticastristes confirment une « intention d’assécher toutes (les) sources (cubaines) de revenus externes possibles, de porter atteinte au tourisme, de saboter la coopération médicale internationale, de bloquer les livraisons de carburants, d’obstruer l’envoi de fonds familiaux, d’intimider les investisseurs étrangers, d’entraver le commerce, de torpiller les relations économiques et de coopération avec des pays tiers ».
Provoquer « la misère, la faim et le désespoir »
Une politique « criminelle et inhumaine » qui constituerait « un acte de génocide et une violation massive, flagrante et systématique des droits humains de l’ensemble du peuple cubain », puisque le moyen de Washington pour parvenir à ses fins passe par provoquer « la misère, la faim et le désespoir ». Selon le Minrex, le blocus aurait causé de mars 2024 à février 2025 des préjudices s’élevant à près de 290 millions de dollars dans le secteur de la santé publique. Mais il aurait aussi un impact sur la santé des États-Uniens, les privant des avancées cubaines en matière de santé et de soin, en les privant par exemple de traitements pour certains cancers, pour l’ulcère du pied diabétique, pour la maladie hémorroïdaire aiguë.
Tout particulièrement dans le viseur de Trump et Rubio, les brigades médicales cubaines, ainsi que les gouvernements des pays où celles-ci opèrent. Sous prétexte de défendre les droits humains et affirmant que les médecins de l’île seraient victimes de « travail forcé » – alors que toute coopération se fait d’après La Havane suivant des protocoles « avalisés par les Nations Unies et correspondant pleinement aux normes internationales en matière de coopération Sud-Sud » – les États-Unis traquent ces accords qui sont une source importante de revenus pour l’administration publique cubaine, avec un préjudice calculé à 3,2 millions de dollars sur la dernière année.
Huit mesures instaurées par Trump depuis janvier dernier
En matière de politique agricole, l’impact du blocus états-unien entre mars 2024 et février 2025 est estimé à 52 millions de dollars. « La production de viande de porc a enregistré en 2024 une diminution notable, n’atteignant que 51 % de celle de 2023 », expliquent par exemple les autorités cubaines dans leur rapport, précisant que « l’impossibilité d’importer des aliments et les entrants nécessaires à la biosécurité dans les porcheries ont provoqué une baisse de la production, ce qui a causé des pénuries et engendré une hausse des prix de cette viande et de ses dérivés ».
En tout, depuis le 20 janvier dernier, l’administration de Donald Trump a lancé huit mesures renforçant le blocus imposé à l’île depuis 1962, et qui aurait causé depuis cette date pas moins de 170 milliards de dollars de pertes pour la nation caribéenne.
Être le journal de la paix, notre défi quotidien
Depuis Jaurès, la défense de la paix est dans notre ADN.
- Qui informe encore aujourd’hui sur les actions des pacifistes pour le désarmement ?
- Combien de médias rappellent que les combats de décolonisation ont encore cours, et qu’ils doivent être soutenus ?
- Combien valorisent les solidarités internationales, et s’engagent sans ambiguïté aux côtés des exilés ?
Nos valeurs n’ont pas de frontières.
Aidez-nous à soutenir le droit à l’autodétermination et l’option de la paix.
Je veux en savoir plus !