«Apparemment, les filles sont bien traitées ici: Africaines, Asiatiques, Latino-Américaines, elles bénéficient d’un logement, d’un emploi et, en plus, on leur apprend à parler russe!» Sur la vidéo postée sur son compte TikTok fin août et depuis supprimée, l’influenceuse sud-africaine Cyan Boujee, dans un ensemble jean-fourrure, arpente ce qui ressemble à une zone industrielle. Bienvenue au Tatarstan, en Russie, dans la vaste zone économique spéciale (ZES) d’Alabuga, à 1500 km de la ligne de front. Cyan Boujee, de son vrai nom Honour Zuma, promet à ses centaines de milliers d’abonnées une opportunité «en or»: rejoindre un programme dénommé Alabuga Start, destinée aux jeunes femmes entre 18 et 22 ans sans qualifications, et travailler dans le domaine de la production, du transport ou encore de la restauration. Ce qu’elle ne dit pas, c’est qu’au sein de cette même zone économique spéciale, détenue par l’Etat russe, se trouve la plus grande usine de Shahed-136, ces drones kamikazes qui, presque chaque nuit et par centaines, sèment le chaos en Ukraine frappant les villes loin derrière la ligne de front. Et que Moscou manque cruellement de main-d’œuvre pour les assembler.
A la mi-septembre 2025, des images satellites de haute résolution de la ZES d’Alabuga obtenues par Le Temps montrent un développement sans précédent du site de production et de ses environs. «Au cours de l’année écoulée, plus d’une centaine de nouveaux bâtiments de production et d’habitation ont été construits dans la zone économique spéciale, notamment des dortoirs pour les travailleurs, analyse Bogdan Dolintse, doctorant et expert ukrainien en technologies aéronautiques. Outre les bâtiments résidentiels et industriels, des infrastructures de protection, notamment des structures défensives, ont été développées autour de l’usine.» Cette expansion n’a qu’un but: accroître le volume et la vitesse de production de drones.