Par

Glenn Gillet

Publié le

22 sept. 2025 à 7h38

Le soleil a mis du temps mais il a fini par se montrer pour rapprocher la température de l’air des 20°C, ce dimanche 21 septembre à Paris : un temps parfait, sec qui plus est, pour la « Table d’Aude », un banquet participatif d’un millier de couverts organisé chaque année dans le 14e arrondissement, rue de l’Aude, par la « République des Hyper Voisins ». Cette association locale haute en couleur a pour objectif de recréer « un esprit de village » pour les 15 000 personnes qui habitent dans ce quartier de 73 hectares comprenant 53 rues situées entre le Parc Montsouris et Denfert Rochereau. En dehors des banquets, l’association connecte ses membres grâce à des boucles Whatsapp autogérées et très organisées pour mettre au point rencontres et activités. Mais depuis peu, les voisins ont commencé à concrétiser un projet un peu fou mais en passe d’être réalisé : que diriez-vous de profiter d’une petite « maison » en plein Paris, à la seule condition de la partager avec quelques centaines de copropriétaires ?

600 « briques » de 1 000 euros

L’association a signé mi-juillet un compromis de vente pour un local situé au numéro 29 de leur rue fétiche, afin d’en faire une « maison » destiné à l’usage collectif : Pour financer les 600 000 euros (deux tiers pour l’achat et le notaire, un tiers pour les travaux) que représente l’achat de cet ancien atelier de pyrogravure de plus de 120m² qui pouvait difficilement être transformé en vrai logement, justement situé au 29 rue de l’Aude, l’association a mis en place des « briques » d’une valeur de 1 000 euros, achetable par tout un chacun, habitant du quartier ou non. On peut les acheter et devenir effectivement copropriétaire, ou alors faire un don défiscalisé. Depuis mi-juillet, environ 60 % des briques ont déjà trouvé preneurs à ce jour et le projet fait même partie des propositions du budget participatif 2025 de la mairie de Paris pour le 14e arrondissement. L’objectif est de transformer l’endroit un grand « appartement où on ne dort pas », résume Patrick Bernard, fondateur de l’association.

« On va en faire la maison de tout le quartier. Toutes les activités de tout le quartier vont forcément pouvoir être valorisées si on est capable de les centraliser dans un lieu »

Patrick Bernard

Pour ces milliers de voisins déjà fort investis non seulement, la quête de convivialité passe un nouveau cap. Anne Bolinn, septuagénaire habitante du quartier depuis ses 20 ans, a rejoint la République il y a un an, une adhésion synonyme pour elle de « bonheur » : « Bien qu’ayant des amis mais pas de famille, les Hypers Voisins m’ont permis de m’investir dans beaucoup de choses comme le chant et l’écriture de chansons. Ça crée des liens très riches, inespérés dans une ville, car on peut y être très seul ». Deux conditions toutefois pour être un citoyen hyper voisin : être poli et s’interdire de dire des choses négatives, notamment sur les autres, afin d’éviter les « commérages », le trop courant revers de la médaille du fait de connaître tous ses voisins.

Anne Bolinn, membre des Hypers Voisins, ici dimanche 21 décembre lors du banquet, a acheté deux briques pour la future
Anne Bolinn, membre des Hypers Voisins, ici dimanche 21 décembre lors du banquet, a acheté deux briques pour la future « maison » du quartier. (©GG / actu Paris)

Un an après son adhésion, Anne Bolinn a participé ce dimanche à sa première Table d’Aude, pour laquelle elle a ramené une quiche destinée à être partagée. « Je voulais faire connaissance avec des gens que je ne reverrai peut-être ou peut-être pas mais avec qui on va créer du lien », confie-t-elle, « Je viens ici pour butiner comme un papillon avec l’espoir que des petites choses s’approfondissent ».

Elle a en tout cas décidé de faire un acte fort pour soutenir la communauté : une donation de 2000 euros pour participer à l’achat de la fameuse « maison » : « Peut-être que je ne verrai pas le résultat final après les travaux mais je voulais encourager un projet enthousiasmant humainement, qui vise à créer un vrai cœur, un foyer pour ce quartier ».

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Quelques-unes des briques matérielisés dans le local des Hyper Voisins, avec les noms des participants.
Quelques-unes des briques matérialisées dans le local des Hyper Voisins, avec les noms des participants. (©GG / actu Paris)« On se demande comment on fait les choses ensemble, comment on s’aide »

Le banquet de ce dimanche a ainsi été l’occasion de présenter aux membres de l’association le futur local totalement vide actuellement. Une télé installée sur une table présentait une vidéo en 3D de ce à quoi la future maison du quartier devrait ressembler à l’issue des travaux, qui pourront commencer quand toutes les 600 briques auront trouvé preneurs. On retrouvera ainsi une belle et grandes cuisine, une bibliothèque, un espace détente… Tout pour créer du lien entre les voisins. Pour financer leurs charges, les Hyper Voisins loueront ponctuellement leur « maison » pour des événements d’entreprise ou des formations par exemple, mais l’idée reste que les habitants puissent en profiter la grande majorité du temps.

Le projet de futur local des Hyoer Voisins à l'issue des travaux.
Le projet de futur local des Hyper Voisins à l’issue des travaux. (©GG / actu Paris)

Pour Patrick Bernard, la démarche de l’association « dans l’air du temps parce que ça vient cocher des cases qui sont un peu antithétiques avec l’anxiété de l’actualité aujourd’hui. On se demande comment on fait les choses ensemble, comment on s’aide ». Il estime en particulier qu’en ville « les interactions entre les gens sont plutôt stérilisées par la promiscuité – on se méfie de son voisin qui fait du bruit, qui peut être intrusif – que dynamiser par la proximité », et l’idée est donc ici d’inverser la tendance.

Face au succès du mouvement, de nombreux médias français et internationaux veulent raconter l’histoire des Hypers Voisins. Patrick Bernard est lui-même invité un peu partout dans le monde (en France mais aussi en Allemagne et Japon récemment) pour présenter de faire essaimer la petite utopie à laquelle il a donné naissance. Et de faire rayonner un enthousiasme résumé par Anne Bolinn : « Je pense que ce qu’il se passe ici, ça peut représenter les villes du futur ».

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