Un petit nez rouge, un sourire, et parfois quelques bulles de savon suffisent à bousculer l’univers feutré d’un service hospitalier. Lors d’un mercredi après-midi, Nice-Matin a suivi Bidouille et Tap Tap, clowns de l’association La Ronde des clowns, qui transforment les couloirs et les chambres en terrains de jeu, de poésie et de complicité.
Dès l’entrée à Lenval, le ton est donné. Bidouille, 31 ans de métier derrière son petit nez rouge, surgit en jupe rose à pois blancs, haut blanc, grandes chaussures bariolées et sac à dos doré. Elle annonce d’une voix enfantine: « Aujourd’hui, c’est la rentrée, alors on joue le jeu! » Sur son ardoise, une inscription à la craie: Terminale. Cette saison sera sa dernière. À ses côtés, Tap Tap, clown depuis 17 ans, porte un béret vert. Dans son dos: un ukulélé prêt à lancer des comptines. « Être clown, c’est surtout de l’impro, explique-t-elle. Le clown dit toujours oui… et réfléchit après ».
Chanter pour un nouveau-né de 17 jours
L’association peut aujourd’hui intervenir deux fois par semaine à Lenval, dans tous les services grâce aux dons. Mais Tap Tap nuance: « Le budget reste serré. Il nous manquera 10.000 euros à la fin de l’année. »
Chambre 517. Un petit garçon hospitalisé depuis 24 heures. Toc-toc. « C’est toi Bernard? », lance Bidouille. L’enfant éclate de rire. Tap Tap, malicieuse, lui propose d’imaginer un toboggan reliant sa chambre à la plage. Puis sort un crayon géant et, avant de partir, offre une carte Pokémon. Le petit la garde serrée contre lui.
Quelques portes plus loin, un nourrisson de 17 jours. Bidouille et Tap Tap s’installent doucement. Le ukulélé les comptines résonnent. Le nouveau-né agite ses bras, les parents sourient, les yeux brillants. L’espace d’un instant, la maladie s’efface.
Face à une adolescente de 14 ans, sur le point d’entrer au bloc, l’ambiance est plus délicate. La jeune fille esquive, gênée. Bidouille en rit: « Au moins, on lui a fait quitter sa chambre plus vite! » Parfois, ça marche, parfois non. « Il faut s’adapter », reconnaissent-elles. Avec une petite fille de 3 ans, réveillée de sa sieste, la magie met plus de temps. Bidouille sort alors des bulles de savon. Silence. Puis un pouet-pouet sur le ventre du papa déclenche enfin un sourire. Mission accomplie.
Une jeune fille au bras bandé se prend au jeu d’un blind-test improvisé. Louane, La Reine des neiges, Petit Papa Noël: les chansons s’enchaînent. La maman observe, amusée. Dans la chambre voisine, un garçon de 12 ans immunodéprimé les attendait avec impatience. Masqués, Bidouille et Tap Tap improvisent un rituel princier. À la fin, Tap Tap lui tend une carte postale griffonnée: un souvenir qu’il sert déjà précieusement. Dernière chambre. Un jeune presque majeur hospitalisé après une intoxication volontaire. Situation complexe. Les clowns parlent cinéma, musique, puis glissent une blague improbable: « Tu sais ce que demande Dark Vador à la boulangerie? Trois pains et deux tartes tatin… pain pain pain, tarte tatin tarte tatin! (sur l’air de Star Wars) » « On peut échouer, disent-elles. Mais si on décroche ne serait-ce qu’un sourire, c’est déjà parfait. »
Une infirmière: « Quand il y a un soin technique, c’est magique »
Pour les soignants, leur rôle est essentiel. « Quand il y a un soin technique, c’est magique, explique une infirmière. Les enfants se laissent distraire, tout devient plus facile. Souvent, ils les réclament ». Joanna, infirmière, abonde: « C’est un soulagement. Les clowns, c’est la joie de vivre qui entre dans les chambres. Ça enlève un instant le poids de la maladie. »
À Lenval, Bidouille et Tap Tap ne se contentent pas d’amuser. Ils offrent une bulle d’air, un moment d’humanité brute, là où l’hôpital impose sérieux et contraintes. Entre improvisation, tendresse et maladresse volontaire, ils rappellent que le rire, parfois, est aussi un soin.
Pour faire un don à l’association: helloasso.com, puis « associations/la-ronde-des-clowns ».