Le contrôle des câbles sous-marins ou le retour de l’interventionnisme de marché

Dans un contexte de concurrence économique et géopolitique accru, les câbles sous-marins représentent un objet tactique important. Ces câbles sont depuis quelques années l’un des lieux d’expression de la rivalité entre les États-Unis et la Chine. Peut-on imaginer une géopolitique des câbles sous-marins qui ne soit pas fondée sur l’interventionnisme économique ou militaire ?

Depuis une quinzaine d’années, la Chine remet en question les États-Unis et leur domination sur le vaste réseau mondial de câbles sous-marins[1]. La réaction américaine se traduit par une intervention accrue de la puissance publique sur les entreprises privées qui gèrent historiquement les câbles sous-marins[2].

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Cet interventionnisme n’est pas isolé et s’inscrit dans une tendance de fond. Au cours de la dernière décennie, les États-Unis et certaines puissances occidentales sont passés graduellement de la libéralisation des marchés à l’interventionnisme de marché, pour remédier aux faiblesses sécuritaires de l’interdépendance économique, dans un contexte de concurrence géo-économique renforcée[3].

La rivalité sino-américaine pour le contrôle des câbles sous-marins est l’un des secteurs où cet interventionnisme d’État est particulièrement visible. Le contrôle étatique de ces infrastructures critiques s’est accentué sous l’effet de la rivalité systémique entre les États-Unis et la Chine. La réaction américaine reflète la stratégie chinoise de contrôle économique sur toute la filière des câbles sous-marins, dans un contexte de rivalité géopolitique systémique. La vulnérabilité de ces infrastructures, et leur criticité, a dans le même temps redonné du pouvoir à des acteurs étatiques révisionnistes, à l’instar de la Russie, qui n’hésitent pas à user de stratégie coercitive pour compenser leurs faiblesses systémiques. Cet interventionnisme économique ou militaire représente un défi considérable pour des acteurs géopolitiques émergents comme l’Union européenne ou le Brésil, qui cherchent à développer une stratégie alternative pour défendre aussi leurs intérêts au fond des océans et des mers.

L’interventionnisme des États-Unis, une réaction à la rivalité chinoise

Si les technologies et leurs usages ont évolué, la géographie des câbles sous-marins est similaire à ce qu’elle était à ses origines, puisque les routes empruntées au XIXe siècle le sont encore aujourd&rsq

Félix Blanc

Politiste, chercheur associé au LASSP de Sciences Po Toulouse