L’œuvre pourrait devenir la plus chère de Gustav Klimt (1862–1918) jamais vendue. Pour cause : sa qualité est digne des plus grands musées ! Le 18 novembre, le splendide Portrait d’Elisabeth Lederer, réalisé par le peintre viennois en 1914–1916, sera mis aux enchères par Sotheby’s à New York, dans son nouveau siège situé dans le Breuer Building sur Madison Avenue, lors d’une vente nocturne de 24 lots.

Estimée à 127 millions d’euros, la peinture est issue de la collection particulière du milliardaire américain Leonard Lauder (1933–2025), cohéritier de l’entreprise de cosmétiques Estée Lauder, décédé en juin dernier.

Ce tableau « incarne l’esthétique de l’Âge d’or viennois, où jeunesse, beauté, couleur et ornements fusionnent en un magnifique portrait moderniste. »

Helena Newman

Comme pour ses autres portraits célèbres (tel celui d’Adèle Bloch-Bauer, peint en 1907), le peintre a représenté avec soin et réalisme le visage doux et rêveur du modèle, qu’il a inséré dans un écrin plus stylisé, foisonnant de motifs décoratifs raffinés typiques du Jugendstil, version allemande de l’Art nouveau, qui secoue l’Empire austro-hongrois entre 1890 et la fin de la décennie 1900. Ce tableau « incarne l’esthétique de l’Âge d’or viennois, où jeunesse, beauté, couleur et ornements fusionnent en un magnifique portrait moderniste », souligne dans un communiqué Helena Newman, codirectrice du département d’art impressionniste et moderne chez Sotheby’s.

Des influences orientales inédites

Gustav Klimt, Portrait d’Elisabeth Lederer

Gustav Klimt, Portrait d’Elisabeth Lederer, 1914–1916

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Huile sur toile • 180 × 126 cm • Courtesy Sotheby’s New York

Ce superbe tableau, l’un des derniers portraits en pied signés par l’artiste, représente la fille des plus grands mécènes de Klimt, August et Serena Lederer, qui détenaient à l’époque la deuxième plus grosse fortune de Vienne après la famille Rothschild. La jeune femme y est vêtue d’une robe blanche mi-fluide mi-bouffante évoquant le style orientalisant du couturier Paul Poiret, ainsi que d’un féerique manteau transparent tout aussi immaculé, orné de fleurs stylisées qui semblent scintiller au cœur de ce décor aux teintes bleues et orangées.

Une cape semée de motifs multicolores – greffée à sa tenue telle une queue de paon figée qui donne l’impression de faire partie du mur situé derrière elle – auréole la silhouette de cette beauté de l’élite viennoise pour lui donner la stature d’une reine et la magie d’une icône. Décoré de dragons et de nuages bleus renvoyant à l’iconographie impériale chinoise (une référence inédite dans l’œuvre de Klimt), ce vêtement témoigne – tout comme le tissu du fond peuplé de personnages asiatiques en costumes traditionnels – de l’intérêt du peintre pour les arts décoratifs étrangers, notamment orientaux.

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Une incroyable collection d’art mise en vente

La peinture de Klimt la plus chère jamais vendue reste à ce jour la Dame à l’éventail (1917–1918), adjugée 85,3 millions de livres sterling (98,9 millions d’euros) chez Sotheby’s à Londres en 2023. Le Portrait d’Elisabeth Lederer, en passe de battre ce record, sera mis en vente avec les autres œuvres de l’impressionnante collection de Leonard Lauder, évaluée à plus de 400 millions de dollars, qui rassemble 55 œuvres de qualité muséale – notamment deux paysages de Klimt, Blumenwiese (1908) et Waldhag bei Unterach am Attersee (1916), estimés respectivement 80 et 70 millions de dollars, mais aussi des œuvres de Pablo Picasso, Edvard Munch et Henri Matisse.

Avant sa vente à New York le 18 novembre prochain, la collection Lauder – avec le précieux Klimt – sera présentée à Paris entre le 20 et le 24 octobre, de 10h à 18h, à la galerie Oriental (85 rue du Faubourg Saint-Honoré).

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