CRITIQUE – Malgré de bons acteurs, Pierre Schoeller, le réalisateur de L’Exercice de l’État, s’embourbe dans un long-métrage à l’intrigue nébuleuse mêlant amour, diatribe écolo et espionnage apocalyptique.
Attention, il ne s’agit pas d’un biopic sur le célèbre peintre néerlandais malgré ce que pourrait malencontreusement indiquer le titre du film. D’emblée, avec Rembrandt le cinéaste Pierre Schoeller brouille les pistes. Et ce n’est qu’un début…
Après la mini-série politique Dans l’Ombre (2024) et une fresque diversement appréciée Un peuple et son roi (2018), le réalisateur de L’Exercice de l’État (2011) sort des sentiers battus. Objet filmique mal identifié, Rembrandt met en scène un couple de physiciens qui travaillent dans le nucléaire depuis de nombreuses années. De passage à Londres pour accompagner leur fille (Céleste Brunnquell), Yves (Romain Duris) et Claire (Camille Cottin) s’offrent une petite virée à la National Gallery.
Révélation mystique et vagues scélérates
Lors de cette visite, Romain Duris perd de vue sa femme. Il ne retrouve Camille Cottin qu’à la fermeture du musée totalement tourneboulée, hagarde et errante. L’héroïne avoue avoir été littéralement fascinée par trois toiles de Rembrandt qu’elle n’a cessé de regarder avec un mélange de fascination et de mysticisme. Elle s’accroche même à l’une des toiles dans une sorte de crise aiguë d’extase qui paniquent les gardiens de l’établissement, ainsi que son époux.
Le spectateur croit comprendre que Claire a eu un puissant choc émotionnel, une sorte de révélation mystique qui la bouleverse profondément. Le cinéaste insinue toutefois qu’il pourrait s’agir d’autre chose. Étant donné qu’elle occupe un poste hautement sensible au cœur de l’industrie nucléaire française, se pourrait-il qu’elle ait été empoisonnée ou contaminée par une quelconque substance ayant entraîné des modifications cognitives ?
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De retour à Paris, Claire commence à remettre en question tout ce qui a structuré son existence jusqu’à présent. Elle engage – de son propre chef – un climatologue pour étudier les risques encourus par les centrales nucléaires soumises à des vagues scélérates (tsunami soudain d’une hauteur effrayante) ou tout autre événement climatique que les analystes ont baptisés « cygnes noirs ».
Un drame anxiogène
Son mari dépassé par ce changement d’attitude tente de maintenir le contact avec celle qu’il n’a jamais cessé d’aimer, en dépit de l’incompréhension et du scepticisme grandissant de sa famille, de ses amis proches et de ses collègues. Peu à peu, Claire s’isole, perd le contact et emprunte les chemins sombres qui mènent à la folie. Ce qui avait débuté sous les ampoules LED d’une section de la National Gallery se terminera à la lueur de la bougie dans une ferme normande isolée sous la pluie.
Au cœur de ce drame totalement anxiogène, Pierre Schoeller mêle allègrement le thriller d’espionnage, le pamphlet antinucléaire, une love story tragique, voire l’ébauche d’un drame mystique, le tout plombé par un final fantastique à tendance apocalyptique. Malgré le concours sans faille de grands acteurs, le grand problème de ce long-métrage nébuleux, c’est qu’il maintient un flou artistique permanent qui perdra même le plus consciencieux des spectateurs. Le sfumato fonctionne dans l’art pictural, mais rarement au cinéma. Aucune des pistes narratives ou psychologiques ne sera jamais éclaircie. C’est bien là le vrai drame du film.
Bien sûr, on perçoit l’émergence d’un message sur l’urgence climatique à travers les brumes de cette intrigue filandreuse. Hélas, le smog londonien repéré au début de l’histoire a eu le temps de se répandre tout à son aise dans ce film confus et agaçant qui, à force de courir plusieurs lièvres narratifs à la fois… n’en attrape aucun.