Une décennie après son lancement, le système d’exploitation Windows 10 cessera d’être mis à jour par Microsoft à compter du 14 octobre. Cette mesure du géant américain de la tech provoque l’inquiétude de nombreux utilisateurs, entreprises et collectivités publiques, qui craignent de devoir changer leurs ordinateurs. Ceux qui ne le peuvent pas risquent d’être exposés à d’importantes failles de cybersécurité. Des centaines de millions de machines pourraient être concernées à travers le monde. Les associations, elles, critiquent l’obsolescence programmée des appareils informatiques. Libé fait le point sur ce changement au bout de nos claviers et ses conséquences.

Microsoft prévenait depuis deux ans : à partir de cette date, les ordinateurs fonctionnant avec Windows 10, la dixième mouture du logiciel d’exploitation de la firme de Bill Gates, cesseront de recevoir des mises à jour.

Ces correctifs étaient destinés à «mettre régulièrement à jour le système d’exploitation, car il était devenu la cible de nombreuses cyberattaques», explique Martin Kraemer, spécialiste de la sensibilisation à la sécurité au sein de l’entreprise américaine KnowBe4.

L’ensemble des ordinateurs concernés continueront de fonctionner après le 14 octobre. Mais pour des raisons de sécurité, Microsoft conseille aux utilisateurs de passer à Windows 11, version disponible depuis 2021 et gratuite. Le hic : elle n’est pas supportée par tous les ordinateurs. Le média spécialisé 01.net propose un guide pour déterminer si une machine dispose de la puissance suffisante pour effectuer cette migration.

Dans le cas inverse, Microsoft propose une formule de mises à jour étendues pour Windows 10. Ce mercredi, le groupe a annoncé que celle-ci serait gratuite pendant un an pour les particuliers situés dans l’espace économique européen, à condition qu’ils se connectent avec un compte Microsoft. «A partir du début du mois d’octobre, les clients [européens] commenceront à voir des notifications sur leurs PC Windows 10 leur offrant la possibilité de s’inscrire» au programme d’extension des mises à jour, a indiqué l’entreprise. 

Pour les utilisateurs qui ne peuvent pas passer à Windows 11 et qui continueraient à utiliser Windows 10 sans souscrire à l’extension de mises à jour Microsoft, les vulnérabilités face aux cyberattaques vont s’accroître. «En ne recevant plus les mises à jour, vous n’êtes plus protégés contre les menaces cyber les plus récentes», explique Martin Kraemer. Si le danger est «très difficile» à quantifier, selon le spécialiste, il est certain que les utilisateurs de Windows 10 deviendront des cibles privilégiées pour les cyberattaquants en quête de failles de sécurité.

Les logiciels installés sur les ordinateurs sont aussi concernés, soulève Paddy Harrington, analyste au sein du cabinet américain Forrester. Faute de mises à jour assurée par Windows, «le fournisseur ne peut pas s’assurer que son application continuera à fonctionner correctement», note l’expert.

Microsoft a refusé de préciser combien d’utilisateurs seraient concernés. Mais selon Consumer Reports, près de 650 millions de personnes dans le monde utilisaient Windows 10 au mois d’août. D’après une autre association américaine, le Public Interest Research Group (PIRG), jusqu’à 400 millions d’ordinateurs seraient incompatibles avec Windows 11.

En France, l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP) estime que 22 % des machines se trouveraient dans ce cas.

Cette vulnérabilité va notamment représenter un risque énorme pour les administrations publiques et collectivités territoriales, qui hébergent des données sensibles. Auprès de France 2, la ville de Chelles, en Seine-et-Marne, a par exemple chiffré en août à «50 000 euros» le coût que va engendrer le remplacement du parc informatique. La police nationale, elle, doit changer 25 000 ordinateurs, rapporte la deuxième chaîne, auprès de laquelle le délégué national du syndicat Alliance, Eric Henry, évoque un budget nécessaire de «15 millions d’euros».

L’association HOP dénonce les «conséquences environnementales, sociales et économiques délétères» de cette pratique de Microsoft, qui va «contribuer à aggraver massivement l’exclusion numérique qui touche avant tout les plus modestes». HOP fait partie d’une coalition de 22 associations françaises, dont aussi l’UFC-Que Choisir, qui s’opposent à «la taxe Windows» et demandent des mises à jour gratuites jusqu’en 2030. Leur pétition en ce sens a déjà été signée par plus de 37 000 personnes.

Aux Etats-Unis, l’association de consommateurs Consumer Reports a déploré le fait que «des ordinateurs incapables de faire fonctionner Windows 11 étaient encore disponibles à la vente en 2022 et 2023», et risquent ainsi de devenir obsolètes trois ans après leur achat.

Interrogés au sujet de l’efficacité de logiciels antivirus, les experts soulignent leur insuffisance face à un système d’exploitation non mis à jour. «Il y a une limite à la protection qu’ils peuvent offrir […]. C’est bien mieux que de ne rien faire, mais cela devrait être une solution temporaire, le temps de trouver une solution permanente», déclare Paddy Harrington.

Reste la possibilité de changer pour un autre système d’exploitation, en gardant son ordinateur. Des logiciels libres, tels que Linux, peuvent ainsi être utilisés, mais nécessitent d’être installés par l’utilisateur. «Tant que vos applications supportent ce système d’exploitation et que vos outils de gestion et de sécurité le prennent en charge, c’est un bon choix», assure Paddy Harrington.

Ces questions se posent régulièrement à chaque changement de système d’exploitation de Microsoft – XP, Vista, 7, 8… –, mais aussi avec les produits d’autres marques de la tech, telles Apple.

Mise à jour le 24 septembre à 19 h 13 avec la précision que l’extension des mises à jour de Windows 10 sera gratuite pendant un an pour les particuliers.