Par
Marie Lamarque
Publié le
24 sept. 2025 à 19h52
Des « choix horribles » et un extrémisme qu’elle affirme avoir laissé derrière elle. Jennyfer Clain, nièce des frères Clain – bien connus à Toulouse – qui avaient revendiqué les attentats du 13 novembre 2015 en France, a tenu lundi 22 septembre 2025 à convaincre qu’elle n’adhérait plus au djihadisme et à un État islamique longtemps fantasmé.
Depuis le lundi 15 septembre, elle comparaît devant la cour d’assises spéciale à Paris pour association de malfaiteurs terroriste. Aux côtés de sa belle-mère, Christine Allain, et de sa belle-sœur par alliance, Mayalen Duhart, la jeune femme de 34 ans est notamment soupçonnée d’avoir appartenu au groupe État islamique (EI) en Syrie.
« Je ne sais de la religion que ce qu’on m’inculque »
D’une voix claire, cherchant parfois ses mots par souci de précision, elle a répondu pendant des heures aux nombreuses questions sur sa pratique religieuse, son parcours et son arrivée au « califat » en Syrie fin juin 2014.
Elle raconte sa conversion à l’islam, qui n’en était pas vraiment une selon elle, car elle a, à neuf ans, « suivi le mouvement » familial, initié par le nouveau mari de sa mère. Puis la radicalisation dans cette famille au fonctionnement sectaire, « soudée » mais « fermée ».
« On se renferme sur nous-mêmes à Toulouse », où ils s’installent en 2000, « je n’ai aucun discours contradictoire, je ne sais de la religion que ce que ma famille m’inculque ».
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Elle porte le voile très tôt, vers ses « neuf ou dix ans » et ne va plus au collège. Mais ses tantes lui reprochent des « centres d’intérêt » qu’elle décrit comme ceux d’une adolescente normale : vouloir « porter un jean » et retourner à l’école, elle qui suit désormais les cours par correspondance. Tout cela est « haram », interdit selon sa famille.
L’islam, toute la famille « ne pense qu’à ça »
La cellule familiale tourne en vase clos, « les femmes se voilent, ne travaillent plus » et « les hommes ne travaillent plus qu’en lien avec la religion ; on est totalement reclus », tout le monde « ne pense qu’à ça », l’islam.
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Elle épouse religieusement, à 16 ans, en 2006, Kevin Gonot, qu’elle rejoint en Égypte où il étudie l’arabe, « une porte de sortie », enfin. Son mari rejoint d’abord le groupe djihadiste Jabhat al-Nosra en Syrie en 2012, officiellement comme « interprète » pour les combattants étrangers.
Puis la famille rejoint l’État islamique fin juin 2014. Jennyfer Clain explique réaliser « un rêve d’enfant », vivre dans « un califat » régi par « la loi de Dieu », elle qui ne connaît « que l’extrémisme depuis toujours ».
Une dispute marque la rupture
« Une dispute » en 2015 avec son oncle Fabien marque la première fissure dans le mur de l’édifice familial que se sont bâti les Clain.
Alors qu’ils vivent tous à Raqqa, Fabien, présumé mort avec son frère Jean-Michel, a fait emprisonner son beau-frère, le mari de sa demi-sœur, Amélie Grondin, le soupçonnant de vouloir « se rebeller » contre l’EI, explique Jennyfer.
C’est ça qui m’a aidé à sortir un peu de la pensée de ma famille. J’ai vu que mon oncle ne respectait pas ce qu’il m’avait appris. Il a trahi son beau-frère, ça a pu commencer à déconstruire quelque chose en moi.
Jennyfer Clain
nièce des frères Clain
Elle finit par quitter l’EI en 2017 après la reprise de Raqqa par les forces menées par les Kurdes, et rentre en France avec ses enfants en septembre 2019, après deux années d’errance.
En prison, mais libérée de l’emprise familiale
Inculpée, elle est incarcérée dès son retour. Son placement à l’isolement pendant plusieurs mois l’aide à se défaire de l’emprise familiale.
« Je me retrouve seule pour la première fois de ma vie. Il n’y a personne pour me dire quoi penser », poursuit Jennyfer Clain. Elle assure avoir « relu le Coran » d’un autre œil, et salue l’accompagnement dont elle a bénéficié de la part d’aumôniers de prison et d’éducateurs.
Elle l’affirme : sa pratique religieuse est aujourd’hui « personnelle », et le fait d’avoir été « confrontée à d’autres discours, d’avoir lu des livres » l’a aidée « à sortir de la rigidité » dans laquelle elle avait grandi.
Les larmes en parlant de ses enfants
Vive dans ses réponses, parfois souriante, racontant son parcours avec des souvenirs précis, elle fond en larmes quand une avocate lui pose des questions sur ses relations avec ses enfants, qu’elle ne voit qu’une fois par mois. Elle veut désormais qu’ils soient libres de leurs choix de vie, loin de l’extrémisme religieux qui a été sa vie.
« C’est pire que dangereux, ça m’a amené à faire des choix horribles pour eux et pour moi, et ça a détruit des milliers de vie », regrette-t-elle entre deux sanglots.
Le verdict est attendu ce vendredi 26 septembre 2025.
Avec AFP
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