C’est désormais une certitude : le préfet de Région Paca et la préfète de police déléguée marchent en rangs serrés. « L’unité de la chaîne de commandement » est le mantra le plus ressassé. De l’aveu de Georges-François Leclerc, le préfet, c’est une nécessité qui fait loi par les temps qui courent, car les enjeux marseillais sont d’importance, avec des chiffres qui évoluent pour certains à la baisse, mais avec d’autres qui inquiètent sérieusement les autorités.
Ainsi, après des années de lutte contre les trafics de stupéfiants dans les quartiers nord, « l’hyper-centre de Marseille est la haute priorité des forces de police », clame, ce jeudi 25 septembre, Georges-François Leclerc. Pourquoi ? Parce que la part des étrangers impliqués dans les chiffres de la délinquance de voie publique est à ce jour de 42 % dans le département des Bouches-du-Rhône et elle peut aller jusqu’à 65 % dans le centre-ville de Marseille. Plus de 8 300 cas d’étrangers en situation irrégulière ont, selon lui, été traités depuis le début de l’année.
« Les interpellations d’étrangers en situation irrégulière ont augmenté de 70 % depuis le début de l’année dans le département. On a des jeunes en situation irrégulière en France qui sont pris en main par les réseaux de stupéfiants », explique le préfet. « On ne peut pas penser séparément la politique de lutte contre l’immigration clandestine et la politique de lutte contre la délinquance », aime à marteler Georges-François Leclerc.
Des CRS dans l’hyper-centre de Marseille
C’est pourquoi les trois compagnies de CRS dites « en résidence » à Marseille vont être affectées pour l’essentiel dans l’hyper-centre, même si elles seront parfois amenées à faire « des vacations » à Vitrolles, Arles ou Port-de-Bouc.
La Division Centre, installée à Noailles, est aussi renforcée de 25 fonctionnaires. Enfin, la brigade VTT, créée en juin dernier, pour sa présence assidue dans le même centre-ville en raison de son « agilité » de déplacement, aura chaque jour pour mission de « sécuriser et rassurer la population », comme l’énonce le directeur interdépartemental de la police nationale Cédric Esson.
Corinne Simon : « Il y a une explosion de la coke dans toutes les couches sociales »
Le chiffre qui surprend est la baisse des saisies de cannabis de 62 % dans les Bouches-du-Rhône à la fin août 2025 par rapport à la même période de 2024, mais qui va hélas de pair avec une hausse colossale de 75 % des saisies de cocaïne. « Il y a une explosion de la coke dans toutes les couches sociales. Nous y sommes particulièrement vigilants », insiste volontiers Corinne Simon, la préfète de police déléguée.
Les trafics sont-ils donc en pleine mutation ? Le commerce de la cocaïne est-il en train de prendre une ampleur insoupçonnée, avec les risques que l’on imagine en termes de santé publique ? De leur côté, les « narchomicides » qui avaient tristement battu des records en 2023 – avec 42 morts – restent à hauteur de 13 en 2025, soit le même nombre qu’en 2024.
De nouvelles voies ouvertes par la loi narcotrafic du 13 juin 2025
Ces tendances récentes ouvrent des fenêtres à diverses statistiques. Ainsi les vols de véhicules baissent de 10 %, les cambriolages de 11 %, les vols à la tire de 7 %. Le nombre de vols avec violences est en hausse de 2 %, alors que les chiffres baissaient depuis quatre à cinq ans.
Mais la préfète de police déléguée Corinne Simon a aussi indiqué que la loi narco-trafic du 13 juin 2025 allait permettre la mise en œuvre de diverses initiatives qui n’existaient pas jusque-là. Parmi elles, les expulsions locatives, dès lors qu’un trafiquant aura été mis en cause – une vingtaine de dossiers sont déjà signalés aux bailleurs -, mais aussi les interdictions de paraître – neuf points de deal ont ainsi été recensés dans le seul centre-ville de Marseille -, ainsi que la fermeture des établissements recevant du public qui auront joué un rôle dans le réseau.
Dans la lutte contre l’immigration clandestine, le général Pierre Baillargeat, qui commande le groupement de gendarmerie départementale des Bouches-du-Rhône, a précisé que ses services avaient opéré cette année trois fois plus de contrôles et « sécurisé plus de 700 gares et 300 trains ».
© D.T. – Pour Georges-François Leclerc, le préfet de Région, « on ne peut pas penser séparément la politique de lutte contre l’immigration clandestine et la politique de lutte contre la délinquance ». 18 M€ d’avoirs criminels des trafiquants déjà saisis cette année
Dans le même temps, la saisie des avoirs criminels des trafiquants gagne chaque jour du terrain. Elle a été multipliée par trois en une année seulement : 18 M€ contre 6 en 2024, ce qui en dit long sur les efforts consentis par la machine judiciaire dans ce domaine. Des efforts qui ont pour but de frapper durablement les trafiquants au portefeuille, via la confiscation de biens de tous ordres et toutes illégalités, le plus souvent de grande valeur: montres de luxe, véhicules de prix et immobilier.
Le démantèlement d’un vaste réseau de blanchiment international
C’est dans le cadre de ce même combat que le parquet de Marseille, la Section de recherches de la gendarmerie nationale Marseille et la Guardia di Finanzia de Milan ont démantelé cette semaine l’activité d’une importante organisation criminelle, basée à Milan, et spécialisée en blanchiment d’argent. « Le réseau, piloté par des individus kosovars et moyen-orientaux qui centralisaient en Italie des sommes de numéraires très conséquentes, avait pour mission de les convertir en or et de les exporter sous cette forme vers le Kosovo, puis la Turquie », explique le parquet de Marseille.
La récupération du numéraire en France et son transport vers l’Italie étaient assurés par des équipes composés de Syriens et de Maghrébins utilisant des voitures avec des caches aménagées très sophistiquées.
Plus de 30 M€ collectés et 55 kilos d’or saisis
Ces collectes, dont le montant total pour la période d’octobre 2024 à août 2025 était estimé à plus de 30 M€, avaient lieu chaque semaine, principalement à Marseille et ses environs, mais aussi à Lyon, Paris et en Italie. Le 7 septembre 2025, sept personnes ont été interpellées sur commission rogatoire des juges français et une opération a été déclenchée après la détection d’un convoi entre l’Italie et l’Espagne. Les perquisitions effectuées ont permis de saisir 55 kilos d’or 24 carats sous la forme de 55 lingots d’un kilo et de plus de 2,4 M€ en espèces, pour un montant total de 8 M€.
L’œil de la DZ Mafia marseillaise
Certains des mis en cause, connus notamment pour trafic de produits stupéfiants, apparaissaient comme étant directement liés à la DZ Mafia marseillaise.
Ces sept personnes ont été mises en examen des chefs de blanchiment aggravé de stupéfiants, association de malfaiteurs en vue de la préparation de délits punis de 10 ans d’emprisonnement et placées en détention provisoire.
Le 23 septembre 2025, en lien avec le parquet anti-mafia de Milan, une seconde opération était lancée à Marseille et dans les Bouches du Rhône (Vitrolles, Marignane, Martigues et Berre l’Étang), ainsi qu’en Italie.
Huit personnes ont été interpellées et placées en garde à vue sur le territoire français, ainsi qu’une neuvième en Italie. Les dix-sept perquisitions réalisées conduisaient à la découverte de 219 000 € en numéraires, de cinq véhicules et de nombreux éléments de maroquinerie et de joaillerie de luxe. Dans le même temps, côté italien, quatre personnes étaient interpellées et de nombreuses saisies réalisées.