Après trois jours d’un procès qui en durera finalement sept, les quatre principaux prévenus –Gilles Rossary-Lenglet, Samy Kéfi-Jérôme, Pierre Gauttieri et Gaël Perdriau– ont été entendus et ont tenté de se défendre.

Alors que la stratégie de défense de certains des prévenus a sensiblement évolué depuis août 2022, le maire stéphanois reste campé sur ses dénégations.

Samy Kefi-Jérôme

Samy Kefi-Jérôme est le premier des prévenus à avoir été interrogé à la barre du tribunal correctionnel de Lyon dans le procès du « chantage à la mairie de Saint-Étienne ».

Arrivé lundi matin au palais de justice en compagnie de son avocat, Mathias Chichportich, l’ancien enseignant n’a pas fait mystère de sa participation à l’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit.

S’adressant à la présidente du tribunal, il a notamment expliqué que « la vidéo, c’est une commande de Pierre Gauttieri » ou affirmé « je ne suis pas un expert de ce type d’action (la vidéo), je suis resté pour être sûr que le champ de la caméra ne serait pas obstrué ».

L’ancien compagnon de Gilles Rossary-Lenglet n’a pas non plus tenté de nier le chantage. À la barre, il reconnaît ce chantage et l’atteinte à l’intimité de la vie privée par fixation, enregistrement ou transmission de l’image d’une personne présentant un caractère sexuel. Avant de détailler : « J’ai honte. Personne ne devrait voir sa vie privée utilisée de la sorte. C’est ignoble. »

S’il affirme ne jamais avoir montré la vidéo à Gaël Perdriau, Samy Kefi-Jérôme est pourtant poursuivi pour le chef de recel de bien obtenu à l’aide d’un détournement de fonds. Un chef de prévention que conteste fermement celui qui touche toujours ses indemnités en tant que conseiller régional.

En effet, interrogé sur la question, ce dernier prétend : « Je n’ai jamais détourné de fonds publics, ni recelé. Quand j’ai vu ça dans la presse, je me suis dit que Gilles Rossary-Lenglet voulait étoffer son dossier sur le plan financier. »

Gilles Rossary-Lenglet

Gilles Rossary-Lenglet affirme haut et fort depuis le début de l’affaire, en août 2022, que c’est lui qui est à l’origine des révélations de Mediapart et que c’est lui qui a construit le piège qui s’est refermé sur l’ancien premier adjoint au maire, Gilles Artigues.

Dès lors, impossible pour le quinquagénaire de nier sa participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit.

Celui qui se présente comme un « barbouzeur » est aussi accusé de complicité de chantage, utilisation, conservation ou divulgation d’un document ou enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenu par une atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui.

Bousculé par la juge, Gilles Rossary-Lenglet, d’ailleurs, le confesse : « Je vais attrister mon avocate, mais oui, je suis complice… »

Enfin, Gilles Rossary-Lenglet est poursuivi pour recel de bien obtenu à l’aide d’un détournement de fonds. Contrairement à Samy Kefi-Jérôme, il n’a pas été questionné sur le sujet au cours des débats.

Mais il ne faut pas oublier cette séquence de la présidente du tribunal, s’adressant à lui : « Je ne sais pas quoi penser de vous. Vous reconnaissez tout, mais pour mieux accuser les autres. »

Pierre Gauttieri

L’éminence grise qui « fonctionne comme un criminel », selon ses propres mots entendus dans un enregistrement, qui était craint pour son « management brutal », a perdu de sa superbe.

Arrivé au tribunal à l’aide d’une canne, sans avocat, Pierre Gauttieri, ancien directeur de cabinet de Gaël Perdriau, n’a pas nié l’accusation d’utilisation, de conservation ou divulgation d’un document ou enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenu par une atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui.

« Sans pouvoir, en politique, vous n’êtes rien. La vidéo fait partie des choses sales du pouvoir », a-t-il assumé devant la présidente du tribunal mardi après-midi.

Pas d’hésitation de sa part, non plus, quand cette dernière lui a demandé s’il reconnaissait les faits de chantage : « Difficile de les nier dans les enregistrements. »

Le quinquagénaire a affirmé avoir été mis au courant du projet de kompromat visant Gilles Artigues par Samy Kéfi-Jérôme et en avoir, ensuite, parlé au maire de Saint-Etienne qui lui aurait donné son accord.

À la question de la présidente : « Mais vous saviez que ce que vous envisagiez était illégal ? », l’ancien directeur de cabinet répond par l’affirmative. Ce qui revient à reconnaître l’association de malfaiteurs.

En revanche, en ce qui concerne le chef de prévention de complicité de détournement de fonds publics pour financer l’opération, Pierre Gauttieri nie son implication devant les juges : « Le maire m’a dit qu’il s’en occupait […] Je n’avais pas la main sur les finances. C’est quand j’ai vu passer ces deux subventions de 20 000 euros chacune […] que j’ai compris. »

Gaël Perdriau

« Je conteste fermement toute notion de chantage », avait déclaré le maire de Saint-Etienne le 27 août 2022, au lendemain de la révélation par Mediapart de l’affaire qui secoue Saint-Étienne depuis trois ans.

La position de Gaël Perdriau, premier magistrat de la cité stéphanoise depuis 2014, n’a pas varié depuis : il a toujours nié une quelconque implication dans le chantage à la vidéo intime dont aurait été victime Gilles Artigues.

« C’est quelqu’un que j’estime », a-t-il dit face à la présidente du tribunal mercredi après-midi, en évoquant son ancien premier adjoint.

La veille, il parlait même d’« un ami ». Un ami qu’il n’a « jamais cherché à tenir ». À « tenir en laisse », référence aux propos de Samy Kéfi-Jérôme prononcés la veille en référence à la vidéo.

Plutôt épargné par son ancien adjoint à l’Éducation, lâché par son ancien directeur de cabinet, enfoncé par Gilles Rossary-Lenglet, celui qui a vu ses ambitions politiques nationales réduites à néant quand l’affaire a éclaté reste campé sur sa défense initiale : tous mentent, sauf lui. « Je suis une victime collatérale », osera-t-il, même, mardi soir.

S’il a exprimé quelques regrets au tribunal, notamment sur des propos qu’il a tenus sur Gilles Artigues, Gaël Perdriau réfute, donc, tous les chefs d’accusation dont il est l’objet (chantage, soustraction, détournement de fonds publics par un dépositaire de l’autorité publique, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni d’au moins cinq ans d’emprisonnement).