Le Théâtre national de Bordeaux Aquitaine (TNBA) a connu lui aussi le rush de la rentrée. En plus d’accueillir la nouvelle promotion de son école (15 élèves tous les trois ans), il lui a fallu renouveler presque entièrement sa Classe égalité. Sur huit élèves de la dernière promo, sept ont décroché dès la première année une place dans l’une des 12 écoles supérieures d’art dramatiques reconnues en France.
« C’est exceptionnel. Un des meilleurs scénarios qu’on pouvait imaginer », relaie Clémentine Polo, chargée de mission pour cette classe préparatoire à l’enseignement supérieur (CPES), créée en 2019 sous la direction de Catherine Marnas. La première promo, en 2020 avait déjà envoyé six élèves sur huit vers une école d’excellence. Depuis, la formation s’est étoffée sur deux ans et le succès s’est confirmé.
Rude concurrence
Le projet est né d’une volonté de démocratisation du recrutement, vers des profils éloignés du monde théâtral. Pour y accéder, il faut être âgé de 18 à 24 ans, boursier et résider en Nouvelle-Aquitaine, sans condition de nationalité ou de diplôme. « On estime que si ces élèves n’ont pas un coup de main, ils ne peuvent pas avoir la chance de développer leur potentiel. » Les coûts de formation et les frais liés aux concours sont pris en charge. Seules cinq autres structures en France proposent un projet similaire.
Et la concurrence est rude. Ils attirent quelques candidats libres et une majorité de postulants venant de conservatoires locaux et d’écoles privées (cours Florent, etc.), qui ont leurs propres classes prépas. Cette année, le TNBA a examiné 696 dossiers pour 120 auditions. Des institutions comme le Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD), à Paris, peut attirer jusqu’à 2 000 candidats. Sur ces épreuves à plusieurs tours, la promo bordelaise a donc cartonné : deux élèves ont été reçus au CNSAD, deux au TNS (Strasbourg), un à Lyon, un à Cannes-Marseille et un à Bordeaux, à l’école du TNBA.
Expérience
C’est le cas de Nathan Poulvélarie, 22 ans. Ce natif de Brive-la-Gaillarde a découvert le théâtre au collège et n’a depuis pas décroché. Éloigné des grands réseaux, il a « tenté d’accumuler un maximum d’expérience » : une fac d’arts du spectacle à Poitiers et une classe prépa au conservatoire départemental, sans succès. Il entend parler de la Classe égalité, à laquelle il peut postuler. « Mes parents n’ont pas des revenus astronomiques, j’ai toujours été boursier. »
« Il y a de la détente, du lâcher-prise. On s’est présenté aux concours dans la joie et la motivation »
Qu’est ce qui a changé avec la prépa de Bordeaux ? « On travaille beaucoup plus : quatre jours par semaine avec les enseignants et beaucoup plus en autonomie, puisque l’école reste ouverte. » Il relève bien sûr l’aide financière, qui allège la « charge mentale. » En plus, « tous les élèves, en entrant à l’école, sont automatiquement ouvreurs et ouvreuses pour le TNBA. On a tous un job étudiant en plus des bourses. » Il cite « la dynamique de groupe, très forte. On est tous à l’écoute des autres » , les intervenants, « toujours là, qui cherchent à nous mettre en valeur ». Résultat : « Il y a de la détente, du lâcher-prise. On s’est présentés aux concours dans la joie et la motivation. »
« Quelque chose de fou »
Nathan a passé plusieurs concours. Pour la petite histoire, il a présenté notamment une scène classique « Oncle Vania », de Tchekhov, mais aussi une autre, contemporaine, de Gildas Milllet. Un « parcours libre » entre poésie et travail corporel, sa spécialité. Qualifié pour cinq écoles, le Corrézien a aussi été admis à Limoges… et à Paris, qu’il a décliné, donc. Pour beaucoup, c’est pourtant LA référence. « On m’a dit ça. Mais j’ai confronté les programmes, les styles. Je me suis reconnu dans le travail autour du corps mis en place par la directrice du TNBA, Fanny de Chaillé. J’aime le fait que ce soit une école dans un théâtre. Et puis, à Paris, ils sont 30 par année. À Bordeaux, on est 15 élèves, pour trois ans. » La Classe égalité (et aussi fraternité, liberté, donc) terminée, l’étudiant-comédien, savoure : « Autant d’entrées en école en une seule année, c’était quelque chose de fou. Maintenant, on a juste à profiter du travail proposé pour découvrir quel artiste on est. »
Motivation cruciale
Le recrutement se fait sur dossier, assorti d’une vidéo de présentation. Suit un stage d’audition. « Là, on regarde beaucoup le travail de groupe, l’intégration au collectif. On n’exige pas forcément de savoir bien jouer. Mais l’entretien de motivation est crucial. » La formation est intensive, assuré par cinq permanents : Bess Davies, Denis Lejeune et Bénédicte Simon (théâtre), Muriel Barra (danse), Agnès Pelé (chant) et des intervenants extérieurs.