En digne héritier de son père, Victor célèbre ces années de rencontres avec une exposition de plus d’une vingtaine de pièces.

Il y a quarante ans, Yves Gastou ouvrait sa galerie rue Bonaparte. Ce chineur fou des avant-gardes, qui avait commencé, de Carcassonne à Nice, de Toulouse aux puces de Saint-Ouen à Paris, avait une curiosité inouïe pour les arts décoratifs et le design. Il en a devancé plus d’un en montrant ses découvertes dans sa galerie ouverte en 1985. Un espace à son image dont il confia la réalisation à Ettore Sottsass, le talentueux Italien qui fut son premier coup de foudre. Après sa mort, en 2020, son fils Victor a repris le flambeau de cette enseigne qui a toujours mélangé les époques et les styles, après avoir travaillé quinze ans à ses côtés.

Aujourd’hui, il lui rend hommage avec une exposition célébrant les 40 ans de la galerie et un épais livre. Elle retrace ce parcours semé de coups de cœur et de rencontres avec les artistes dont certains n’étaient pas encore à l’apogée de leur gloire. « Quelle chance j’ai eue d’avoir reçu cet héritage sans limites, jamais figé, qui m’a permis de m’exprimer à ma façon, tout en gardant en mémoire ce que mon père m’a appris. Il était mon mentor, j’étais l’élève et j’ai été formé à rude école. Cette attirance pour faire dialoguer le passé et le présent, entre pièces iconiques et trésors cachés, je l’ai en moi très fortement. Ma ligne est aussi la curiosité », confie Victor Gastou.


Passer la publicité

Une enseigne novatrice

Pour retracer cette histoire des styles et des tendances qu’il continue d’écrire, ce quadragénaire, beau gaillard barbu, porte haut et fort les couleurs de la galerie qui a su associer, toujours avec un temps d’avance, l’Art nouveau et l’Art déco aux verreries italiennes ou aux créations des années 1950, jusqu’à celles de Memphis. Il lui a fallu retrouver des pièces emblématiques de chaque époque. En les revoyant, on s’aperçoit combien l’enseigne parisienne était novatrice.

La galerie fut la première à exposer dans les années 1980 le mobilier radical et coloré d’Ettore Sottsass et les créations sculpturales du Japonais Shiro Kuramata, toutes en transparence. Dans les années 1990, elle se pencha sur les meubles baroques d’André Dubreuil et les sculptures fonctionnelles de Philippe Hiquily. D’autres grandes figures du XXe siècle – André Arbus, Gilbert Poillerat, Ado Chale, Paul Evans ou Jean Touret – et des contemporains comme Béatrice Serre, Emmanuel Jonckers ou Agnès Debizet ont animé ces années de galerie, de salons comme le PAD (à Paris ou à Londres) ou de Biennale des antiquaires.

Moins excessif que son père, Victor a gardé cette capacité à s’enthousiasmer, voire s’enflammer, quand il aime quelqu’un ou quelque chose. Son père lui martelait : « Il faut regarder ce que les autres ne voient pas. » Et c’est ce qu’il fait aujourd’hui avec talent.

Jusqu’au 4 octobre, 12, rue Bonaparte (Paris 6e). galerieyvesgastou.com