Publié le
26 sept. 2025 à 6h44
Sur la table haute, quatre hommes au verbe haut dégustent un plat à base de viande et de pâtes. Devant, l’écran diffuse une course de chevaux en ce jour de septembre 2025. « Il y a une dizaine de réunions par jour, ça ne s’arrête jamais », rappelle à actu Paris un client en exhibant son téléphone pour attester de cette litanie hippique. Pourtant, du matin au soir, les rassemblements s’enchaînent dans une indifférence quasi partagée, à l’exception des parieurs. Des joueurs, le bar « Kennedy », dans le 16e arrondissement de Paris, à deux pas de la Maison de la Radio, en reçoit quotidiennement. Mais l’affluence s’épuise. Objet social, économique et culturel, le Pari Mutuel Urbain (PMU) représente une institution qui a perdu de son éclat. Poutre de la filière hippique, le Groupement d’intérêt économique (GPE), composé de France Galop et de la Société d’encouragement à l’élevage du trotteur français, observe un fléchissement de ces recettes. L’écosystème pâtit directement du recul des mises. Reportage et analyse.
Des mises moins élevées
Dans l’atmosphère chaleureuse et foutraque du « Kennedy », les interactions complices se multiplient. Au comptoir, Gabriel, commande un café après avoir salué l’assistance. À 38 ans, cet habitant du 16e arrondissement ne fait pas mystère de ses anciennes habitudes, se qualifiant encore « d’accro » aux paris.
« Avant, je ne calculais pas. Je pouvais jouer jusqu’à 2000 euros par mois. Maintenant, c’est entre 50 et 100 euros
Gabriel
Joueur de PMU
La perte d’argent ne suffit pas à éclairer son changement de rapport aux jeux. « Cela ne rapporte plus », déplore-t-il. Rieur, Joseph abonde. « On perd plus qu’on ne gagne. Cela ne vaut plus le coup de jouer« , souffle cet ancien joueur ‘quotidien » en buvant un expresso. Plus économe en mots, il n’hésite pourtant pas à endosser le rôle d’intermédiaire.
Un guichet pour parier aux courses de chevaux, déserté par les joueurs. (©AG/ actu Paris)
Attablés, Mohamed et Rémi devisent sur l’actualité politique diffusée sur un autre écran à l’intérieur du bar. « C’est quand même fou que Macron soit bloqué en Amérique », se questionne le premier, à la faconde certaine. Quelques phrases d’introduction suffisent à l’entendre pester contre les courses de chevaux. « Je viens depuis des années, mais ça me dégoûte de plus en plus. On ne peut rien gagner », assure-t-il.
Le chiffre d’affaires faiblit
Plus discret, Rémi convoque le passé. « Mon père me disait qu’à l’époque en jouant dans le désordre, il pouvait beaucoup gagner. Avec un bonus, il pouvait doubler voire tripler la mise », explique-t-il. Tous les joueurs interrogés décrivent un sentiment de frustration face au « resserrement des gains ». Conséquence : les sommes investies ont considérablement baissé.
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Mickaël, le patron du « Kennedy », sort son portable pour mesurer les pertes. Depuis le début de l’année, il a perdu « 25 % » de son chiffre d’affaires lié aux paris hippiques.
« Il y a de moins en moins de monde. C’est un tout. Le contexte économique joue énormément et il y a aussi l’essor des paris sportifs »
Mickaël
Gérant du bar « Kennedy » dans le 16e arrondissement à Paris
D’après un rapport de l’Autorité nationale des Jeux (ANJ), le marché des paris sportifs en ligne a dépassé pour la première fois le PMU en 2024. Les résultats de l’opérateur montrent une contribution nette de 837 millions d’euros, soit une légère croissance par rapport à 2023 (835 millions d’euros). En revanche, le GIE enregistre 6,6 milliards d’euros de mises et 1,7 milliard d’euros de produit brut des jeux (PBJ), soit une somme inférieure au produit des paris sportifs, estimé à 1,8 milliard d’euros.
Un écran diffusant des courses de chevaux. (©AG/ actu Paris)Les paris sportifs plus porteurs
En ciblant les jeunes, les opérateurs de paris sportifs sont parvenus à diversifier leur demande et à susciter un fort désir. Une stratégie dénoncée. Dans une synthèse intitulée « Carton rouge : le marketing agressif des paris sportifs » publiée le 16 septembre dernier, l’association Addictions France dénonce la visibilité de cette vingtaine d’entreprises qui se partagent un secteur de plus en plus lucratif.
« Mon fils a 16 ans. Il joue souvent aux jeux sportifs. Mais il ne mise pas des grandes sommes. C’est 1 à 2 euros. Pas plus »
Mohamed
Joueur de PMU
Selon ce père de famille, les jeunes sont « plus radins » par rapport à sa génération. Dépassé par les paris sportifs, le PMU voit le gouvernement voler à son secours.
Un « pacte PMU 2030 » a même été lancé. Objectif, réduire les coûts et obtenir de nouvelles recettes en développant les services. En d’autres termes, l’exécutif souhaite rendre l’institution davantage profitable. C’est la raison pour laquelle des hausses de taxe avaient été envisagées à l’automne dernier. Une mesure finalement rejetée à la suite des mobilisations de la filière.
Derrière les tribulations de la filière du PMU, se joue l’avenir d’un intégrateur social prépondérant et disséqué dans une enquête menée par la Fondation Jean-Jaurès début 2025.
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