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Les candidats à l’élection municipale de 2026 ne pourront recevoir aucune aide directe ou indirecte de la part de personnes morales, y compris des collectivités, pour financer leur campagne, sous peine de lourdes sanctions. Par Me Alex Ouvrelle, avocat au Barreau de Saint-Étienne.

Lors d’une élection, les candidats sont amenés à engager des frais pour faire campagne : organisation de meetings, communication par voie de presse, campagne d’affichage, etc. Ils doivent alors veiller à l’origine des fonds qui leur servent à financer ces dépenses, car celle-ci est strictement encadrée. Un candidat est autorisé à financer sa campagne par apport personnel (c’est-à-dire en utilisant ses propres ressources), ou par des dons consentis par des particuliers (plafonnés à 4 600 euros pour une même personne physique) ou par des partis ou groupements politiques.

À l’inverse, l’article L. 52-8 du Code électoral prévoit que toute aide financière ou matérielle à un candidat provenant d’une personne morale, qu’il s’agisse d’une entreprise, d’une association ou d’une collectivité publique, est formellement interdite. Ces règles visent à assurer une équité entre les candidats et à éviter que l’un d’eux ne soit avantagé par une personne morale dans le cadre de sa campagne.

Une interdiction de financement direct mais aussi indirect

L’interdiction de financement par une personne morale est claire lorsqu’il s’agit d’interdire à une structure de verser une somme d’argent aux candidats, et ceux-ci arrivent généralement à prévenir tout risque de cette nature. Mais l’article va plus loin en interdisant également tout don assimilable à un avantage en nature, c’est-à-dire qui consiste à fournir gratuitement un bien ou un service. Il est aussi interdit d’octroyer ces mêmes biens, services ou avantages à un prix inférieur à celui habituellement pratiqué.

Autrement dit, ce texte interdit les aides « déguisées » :  un local prêté gratuitement par une commune, du matériel fourni par une entreprise à un prix moins élevé que le prix du marché, ou encore des services réalisés à un tarif préférentiel par une société. Pour illustrer cela, un candidat a par exemple été sanctionné d’une inéligibilité d’un an car une société lui avait fourni gratuitement un hébergement en ligne pour plusieurs sites internet utilisés lors de sa campagne (CE, 11 avril 2018, n° 415485). Ces hypothèses sont nombreuses et conduisent à de vifs débats devant les juridictions à chaque élection.

Une vigilance accrue vis-à-vis des collectivités

Les élus candidats à leur réélection doivent se prémunir contre tout risque d’utilisation des moyens de la commune à des fins de campagne, puisqu’une telle pratique pourrait être considérée comme un don prohibé d’une personne morale. L’exemple le plus classique est celui des communications effectuées par la commune et qui pourraient bénéficier aux candidats. Pour rappel, à compter du 1er septembre 2025, les communes et intercommunalités doivent s’interdire toute campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion de la collectivité.

En plus de cette interdiction, une campagne de promotion électorale réalisée au profit d’un candidat peut également être considérée comme un avantage irrégulier fourni par une personne morale et être sanctionnée comme tel (CE, 4 juill. 2011, n° 338033). Il en va ainsi par exemple lorsque la collectivité publie dans son bulletin municipal des articles faisant l’éloge du mandat de l’élu candidat, annonce ses prochaines réunions électorales, voire reprend les visuels ou les slogans du candidat en campagne. L’utilisation gratuite des moyens matériels de la collectivité constitue également une source récurrente de contentieux. Il peut s’agir de l’impression aux frais de la commune de tracts ou de cartes de vœux mentionnant le nom du candidat, de la mise à disposition de salles pour des réunions, voire de la diffusion par le candidat de vidéos ou d’images appartenant à la collectivité.

Les communes devront également veiller à ne pas organiser de manifestations susceptibles de ne profiter qu’à l’un des candidats, et la jurisprudence ne manque pas d’exemples de cérémonies de vœux transformées en présentation de programme, ou de manifestations sportives ou culturelles utilisées pour mettre en avant le candidat sortant. Enfin, la mise à disposition des agents municipaux, même ponctuelle, à l’organisation de la campagne électorale d’un candidat pendant leur temps de travail, constitue également un avantage prohibé.

L’article L. 52-8 du Code électoral interdit les aides « déguisées » : un local prêté gratuitement par une commune, du matériel fourni par une entreprise à un prix moins élevé que le prix du marché, ou encore des services réalisés à un tarif préférentiel par une société.

Les associations également dans le viseur

Les associations, en tant que personnes morales, sont également frappées par l’interdiction de financer les campagnes électorales. Elles sont autant exposées que les collectivités territoriales en raison des liens parfois étroits qu’elles entretiennent avec celles-ci (élus membres de l’association, financement par la collectivité, etc.). Lors des dernières élections municipales, un candidat a par exemple été sanctionné car une association avait distribué des masques de protection en joignant son image à la distribution (CE, 18 août 2021, 449592). En revanche, lorsqu’une association agit indépendamment du candidat, ses prises de position ou critiques des opposants ne sont pas assimilées à un avantage irrégulier. Il en va de même par exemple pour les organes de presse qui peuvent librement s’exprimer sur les candidats.

Quelles sont les sanctions à la méconnaissance de ces règles ?

L’interdiction de percevoir des dons ou des avantages irréguliers de personnes morales concerne l’ensemble des candidats aux élections municipales, qui peuvent être exposés à un recours visant à contester les résultats de l’élection. Ce recours peut être introduit par tout électeur ou candidat de la circonscription en saisissant le tribunal administratif territorialement compétent. Il doit être déposé au plus tard à 18 h le cinquième jour qui suit l’élection. Si le juge de l’élection retient l’existence d’un avantage provenant d’une personne morale qui a été perçu par le candidat, il pourra annuler l’élection ou en modifier les résultats. Cependant, tout manquement n’impliquera pas nécessairement l’annulation de l’élection, et le juge sanctionnera uniquement l’irrégularité qui a pu altérer la sincérité du scrutin, ce qui sera notamment le cas s’il existe un faible écart entre les voix obtenues par les candidats (CE, 18 sept. 1996, n°174098). Des règles particulières s’appliquent ensuite aux candidats dans les communes d’au moins 9 000 habitants qui doivent établir un compte de campagne retraçant l’ensemble des recettes et dépenses de leur campagne électorale à compter du 1er septembre 2025.

Ce compte sera vérifié par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) qui pourra décider de le rejeter en cas de manquement, et de saisir le juge de l’élection qui pourra prononcer l’inéligibilité du candidat, et éventuellement l’annulation de l’élection ou la démission d’office de l’élu. De la même façon, la sanction ne sera pas automatique et le juge prendra en compte l’importance de l’avantage ou du don irrégulièrement consenti et déterminera s’il a été susceptible de porter atteinte à l’égalité entre les candidats (CE, 11 avr. 2018, n°415485).

Précisons enfin qu’à ces sanctions administratives s’ajoutent de possibles de sanctions pénales (art. L. 113-1 du Code électoral) et financières pour les candidats dans les communes d’au moins 9 000 habitants (non-remboursement des dépenses électorales par l’État et sanction pécuniaire correspondant au montant du dépassement du plafond des dépenses).

Conclusion

Ces interdictions, parfois peu lisibles et sujettes à interprétation, doivent conduire les candidats aux prochaines élections, et notamment les élus sortants, à porter une attention particulière au soutien que pourraient leur apporter des personnes morales dans le cadre de leur campagne. Ils auront intérêt à éviter au maximum pendant la période électorale, de solliciter les structures avec lesquelles ils entretiennent des liens et, en cas de doute, à s’abstenir d’accepter l’avantage proposé afin de limiter le risque de contestation électorale et de sanction.