Par
Thomas Rideau
Publié le
26 sept. 2025 à 9h20
Il y a six ans, le 26 septembre 2019, Rouen (Seine-Maritime) et une bonne partie du département se réveillaient sous un écran noir. Le ciel avait disparu. Sur la rive gauche, à proximité de la Seine, l’entreprise Lubrizol, classée en Seveso seuil haut, est en partie détruite dans un incendie. L’usine d’additif pour lubrifiant voit 10 000 tonnes de produit dangereux partir en fumée. Ce 26 septembre 2025, des militants apportent de nouveaux éléments à un dossier déjà tentaculaire.
Des irrégularités connues
L’entreprise était au courant, avant l’incendie, d’irrégularités. Mais, des documents mis à jour par l’association de l’Union des Victimes de Lubrizol, montrent que l’usine savait que de nombreuses irrégularités électriques étaient présentes dans l’usine. « Presque 1 000 ! », s’exclame Christophe Holleville, militant inépuisable et secrétaire de l’association.
Dans un audit interne publié en juin 2019, quasiment quatre mois donc avant l’incendie du 26 septembre, on découvre que 924 défauts électriques sont dénombrés. « Ce sont des non-conformités en zone Atex. C’est-à-dire des zones explosives. Mais c’est grave ! » Précisons tout de suite que les entrepôts qui ont brûlé dans l’incendie sont les célèbres A4 et A5 et ne sont pas concernés par la partie de l’audit rendue publique.
Les zones les plus dangereuses
« Oui, mais les zones Atex sont les plus dangereuses. Ce sont les endroits les plus surveillés dans l’entreprise et s’ils ne sont pas dans les normes ici, qu’en est-il ailleurs ? », se demande Christophe Holleville. « On se doute bien que lorsqu’on a 1 000 non-conformités dans les zones les plus dangereuses, ce n’est pas mieux ailleurs. »
Quelles sont les non-conformités repérées ?
Concrètement, parmi les éléments non conformes qui sont signalés dans l’audit interne de Lubrizol, on retrouve des équipements sans marquage, des défauts de lisibilité. Mais, plus gênant, des vis de blocage mal serrées, des présences de corps étrangers, des équipements inadaptés ou détériorés.
Surtout, l’audit ne porte que sur les problèmes électriques. « Ça soulève une question quand on sait que l’incendie part d’un problème électrique sur un lampadaire. » Lorsque cet audit a fait l’objet d’un arrêté de la préfecture, au mois de mai 2025, Lubrizol avait indiqué à 76actu que sa « priorité absolue est de travailler de manière sûre et responsable. Nos équipements sont régulièrement évalués en interne conformément aux normes de production et de sécurité applicables. L’entreprise travaillera étroitement avec les autorités compétentes concernant leur analyse et prendra les mesures appropriées si nécessaire ».
L’audit et le commentaire de la Dreal à ce sujet « vont être transmis au juge », annonce Christophe Holleville. Mais la séquence ne s’arrête pas là. Nos confrères du Poulpe, ont récemment exhumé un rapport qui affirme, « sans ménagement ni conditionnel », que le feu est bien parti de Lubrizol. Et non de leur voisin Normandie Logistique, un temps soupçonné.
Votre région, votre actu !
Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.
« Six ans après l’incendie, il est temps que la justice accélère dans le traitement du dossier. L’entreprise est actuellement mise en examen pour destruction involontaire par incendie dû à la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence, blessures involontaires ayant entraîné une incapacité inférieure ou égale à trois mois par manquement délibéré à une obligation de prudence, les juges d’instruction devraient finir par se prononcer sur un renvoi de l’entreprise devant le tribunal correctionnel », indique pour sa part la CGT, par le biais de Gérald Le Corre, l’un des porte-paroles du collectif unitaire.
Mais justement, quand aura lieu ce procès ? D’après nos différents interlocuteurs, une audience pourrait être programmée, mais pas avant 2030.
Un rassemblement va avoir lieu devant le palais de justice de Rouen, à partir de 14h, ce vendredi 26 septembre.
Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.