Le passant de la rue bordelaise du Loup s’arrête net, happé par les yeux de la belle qui le fixent depuis la cour de l’hôtel de Ragueneau. La joggeuse du chemin de Nice, à Saint-Loubès, est interpellé par le regard de l’enfant depuis le mur de la piscine. Comme des milliers d’habitants de la métropole bordelaise depuis une quinzaine d’années, scotchés par les personnages vivement colorés d’Alber, proches et lointains, œil en coin, pour des camaïeux étonnants qui stoppent la marche et convoquent l’imaginaire. « Qui regarde qui ? » sourit l’artiste de 39 ans.
Regard, couleurs, ombres, transparences et courbes : les fondamentaux d’Alber.
Y.D. / SO
Le graffeur né à Tourcoing (59), poussé à Vendôme (41), est arrivé à Bordeaux à l’âge de 25 ans, après deux ans à bomber à Paris. De la rocade au port de Bassens, des murs de Bordeaux à ceux du Bouscat, en passant par la friche Niel : le salarié pendant huit ans ébauche le soir chez lui et peint le week-end avec frénésie. Après la galerie parisienne Mathgoth, d’autres s’intéressent à ses créations. « J’aime le côté éphémère et sauvage de la rue, j’adore toujours ‘‘faire un mur’’, précise-t-il. Je n’aime pas demander l’autorisation et je connais encore des frictions, même si les gens commencent à être familiers de mon style et même si les villes tolèrent mieux aujourd’hui le graffiti, question d’image et de mode. »
Trois quarts de nouvelles œuvres à découvrir à l’hôtel de Ragueneau de Bordeaux.
Y.D. / SO
Compagnon de la galerie Bouscayrol
Mais exposer n’a jamais été un tabou pour Alber (prénom écourté du grand-père). Depuis 2015, il est ainsi accompagné par la galerie Barthélémy Bouscayrol de Biarritz, du nom de son jeune créateur. « J’ai rencontré Alber à Bordeaux en 2014 et il a exposé tous les deux ans chez nous », renseigne celui qui initie le livre rétrospective « Sous les années la ville », en 2020. Puis, cette exposition depuis ce samedi 20 septembre à l’hôtel de Ragueneau. « Alber n’avait pas exposé à Bordeaux depuis cinq ans », note Barthélémy Bouscayrol. « L’idée est de regarder le chemin parcouru et de présenter des œuvres nouvelles. »
La fresque créée par Alber à Saint-Loubès, commandée par la ville.
Alber
Ces dernières constituent les trois quarts des trois salles et du hall, entre toiles et bâches de train au grain plus prégnant. Dans une pièce à l’écart, l’envers du décor des créations a été joliment mis en scène, des premiers croquis aux personnages plus sombres à la vidéo nous baladant dans Bordeaux, au fil des murs décorés par l’artiste. Des couleurs, des transparences, des connivences qui se goûtent avec autant de plaisir, dehors ou dedans.
Alber, « Interligne ». Jusqu’au 11 octobre à Bordeaux, hôtel de Ragueneau, rue du Loup. Du mercredi au samedi, 11-19 heures. Entrée libre.
Alber chez lui à Saint-Loubès
L’artiste habite depuis deux ans dans la ville de la rive droite au bord de la Dordogne. « J’y ai fait un mur et l’adjointe à la culture m’a appelé… pour m’en commander un autre », raconte Alber. Depuis dix jours sur un des murs de la piscine, un enfant regarde un oiseau s’envoler, nous regarde aussi. Une semaine de création suivie de nombreux scolaires et inaugurée ce vendredi 26 septembre (19 heures), prélude au lancement de saison de la Coupole avec le concert de Menni Jab à 20 h 30 (6 euros)