Tout est original dans ce Contre-salon des vieilles et des vieux, à commencer par le nom. Contre qui ? Contre quoi ? « C’est pour se différencier des salons des seniors qui fleurissent un peu partout, où vous pouvez acheter le rehausseur de toilettes ou la croisière merveilleuse », répond Francis Carrier, l’un des fondateurs en 2021 du Conseil national autoproclamé de la vieillesse (Cnav). « On a une vision du vieux comme client, pas comme citoyen, pas comme individu. » Le terme même de « seniors » le chiffonne. « C’est un cache-sexe des discriminations faites aux vieux. »

Ce vendredi 26 septembre, en ouverture de la première table ronde au marché des Douves, à Bordeaux, il a salué ainsi l’auditoire : « Bonjour les vieux, les très vieux et les moins vieux. » Avec un groupe de journalistes, dont Laure Adler, il a lancé une chaîne de télévision sur le web baptisée Télé Vioc. Son approche : « Comme quand on a 20 ans, on a envie d’être amoureux, d’avoir accès à la culture, d’avoir des échanges qui aient un peu de matière, de pouvoir parler de ses désirs et de ses peurs. Nous revendiquons un regard différent sur la vieillesse. »

Ce ton nouveau, qui correspond à une réflexion de fond, a incontestablement du succès. Les 167 chaises de la salle de conférences ont été prises d’assaut pour le top départ de cette manifestation qui se déroule jusqu’au 28 septembre. Une centaine a été ajoutée au rez-de-chaussée devant les écrans géants qui vont retransmettre l’ensemble des débats. En 2023, la première édition, organisée au théâtre des Blancs-Manteaux, à Paris, avait attiré 4 000 personnes. Il existe aujourd’hui 37 groupes locaux du Cnav, dont celui de Gironde, qui compte 200 membres. Aucune cotisation n’est demandée. « Participation libre », est-il écrit en haut de l’affiche.

Livre blanc

Derrière un sens de l’autodérision visiblement partagé, il y a la solidité du contenu et son sérieux. À l’origine de ce mouvement, on trouve également Véronique Fournier, médecin, qui a créé le Centre éthique clinique de l’hôpital Cochin. Le 27 septembre, l’auteure de « L’Argent et les vieux » participera à l’atelier « Qui pour payer la facture de la grande dépendance ? » Un autre s’appelle « Qu’est-ce qu’on dit des vieilles et des vieux dans leur dos ? » Un autre encore, animé par une psychomotricienne, s’intitule « Chuter, c’est naturel ». Toutes les questions essentielles, comme l’habitat, la transition écologique, la précarité, la lutte contre l’isolement ou la fin de vie, sont abordées. Le 28 septembre, l’une des huit séances plénières aura pour thème : « Le Cnav veut-il la mort des Ehpad ? » Cet organisme a constitué un livre blanc sur le sujet à partir de 700 témoignages.

Une vingtaine de stands font le tour du café central, dont celui des avocats du Barreau de Bordeaux, qui peuvent intervenir notamment dans les cas d’abus de faiblesse. La dimension artistique est présente. Les visiteurs séduits par les clichés exposés peuvent se faire photographier les mains, en noir et blanc, par le photographe Jacques Moury Beauchamp. « Les mains, c’est très révélateur de la personnalité. » Il ne reste plus qu’à s’arrêter à la table « Comment être entendus par les élus en cette période d’élections municipales ? »