La guerre commerciale menée par Donald Trump produit des effets inattendus à Moscou. La chute brutale des prix du pétrole, alimentée par l’escalade tarifaire américaine et un regain d’offre de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep+), pèse lourdement sur les recettes de la Russie. Alors que près d’un tiers du budget du territoire repose sur les revenus énergétiques, cette baisse menace l’équilibre financier du Kremlin, déjà fragilisé par des années de dépenses militaires intensives.

Depuis l’annonce de nouveaux droits de douane américains et l’augmentation surprise de la production décidée par l’Opep+, le prix du brut Urals, la principale référence du pétrole russe à l’export, a plongé à son plus bas niveau depuis deux ans, tombant autour de 50 dollars le baril, soit 44 euros, révèle le Financial Times. Or, le budget 2025 de la Russie repose sur une hypothèse de 69,70 dollars le baril. Ainsi, la chute des prix pourrait entraîner un manque à gagner de 2,5% sur les recettes publiques, soit près de 1 000 milliards de roubles (ou 11 milliards d’euros).

Un moteur de croissance enrayé par la guerre

Pour combler ce déficit, le Kremlin n’a que peu d’options immédiates. Creuser la dette, prélever dans les dépenses non militaires ou puiser davantage dans le fonds souverain ? « Nous sommes dans une situation cruciale pour nos recettes budgétaires. La situation est extrêmement volatile », a admis publiquement Dmitri Peskov, le porte-parole du président Vladimir Poutine.

Si la Russie a jusqu’ici maintenu une croissance soutenue, proche de 4% ces deux dernières années, c’est avant tout grâce à une politique de dépenses massives liées à l’effort de guerre. Sauf que cette dynamique arrive à saturation. La Banque centrale prévoit une croissance ralentie entre 1% et 2,5% en 2025. De leur côté, les économistes anticipent une contraction partielle si les prix du pétrole restent bas.

Quelles marges de manœuvre pour le Kremlin ?

Le recours au fonds souverain, le National Welfare Fund, a permis d’amortir les chocs précédents, mais ses ressources liquides ont chuté des deux tiers depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Une fois ces réserves épuisées, ce qui pourrait arriver d’ici fin 2025, Moscou n’aurait d’autre choix que de réduire ses dépenses sociales ou d’alourdir la pression fiscale sur les entreprises exportatrices, selon plusieurs analystes, dont le Financial Times se fait l’écho.

La capacité du gouvernement russe à adapter sa politique budgétaire reste limitée. En théorie, l’État pourrait émettre davantage de dette, sa charge actuelle étant relativement basse (moins de 30% du PIB), mais l’accès aux marchés internationaux reste bloqué par les sanctions occidentales, et la méfiance des investisseurs étrangers persiste. À l’intérieur du pays, les banques privilégient les prêts au secteur privé et se montrent peu enclines à financer des déficits publics.

En parallèle, environ 340 milliards de dollars de réserves de la Banque centrale restent gelés à l’étranger. Pour l’instant, les experts ne parlent encore que d’un essoufflement plutôt que d’un effondrement.