Au tour de Bordeaux Métropole de donner son avis sur le projet de raffinerie de nickel et cobalt pour batteries de voitures électriques porté par la société Emme à Parempuyre et Blanquefort. Dernier point à l’ordre du jour du conseil, vendredi 26 septembre, et pas le moindre, puisqu’il brasse enjeux de relocalisation industrielle, promesses d’emplois massives et risques environnementaux. La délibération soumise au vote des élus a tout de l’exercice d’équilibriste, pas moins de 23 « exigences de garanties » étant versées au dossier d’autorisation environnementale instruit par les services de l’État.
À défaut d’être exhaustif, citons « un avis complémentaire sur le risque et l’impact de toutes les hypothèses d’inondation produit par un tiers indépendant de la société de projet Emme », la communication de « mesures de maîtrise des risques qui seront prises pour les trois scenarii de fuite ou de rupture de canalisation », « une station d’épuration adaptée aux produits chimiques installée sur site », ou encore « le transport fluvial effectivement mis en œuvre de manière pérenne ».
Risque inondation
En charge du suivi des grands projets industriels, Patrick Bobet, maire LR du Bouscat, met dans la balance souveraineté industrielle, « démarche de recyclage », 500 emplois directs annoncés, dont 200 sur site et, de l’autre côté, le risque inondation, « celui qui fait le plus peur », convient-il. Le site retenu, à hauteur d’un terminal du Grand Port maritime de Bordeaux notoirement sous-exploité, se trouve en zone inondable. Une plateforme de remblais est prévue pour élever le terrain de 3,5 mètres à 5,5 mètres minimum, c’est-à-dire « le niveau atteint lors de la tempête de 1999, plus une hypothèse de 100 centimètres d’eau supplémentaires au Verdon ».
« Favoriser l’industrialisation des territoires, oui, mais certainement pas quoi qu’il en coûte »
Patrick Bobet est à peine lancé que Pierre Hurmic allume la boucle verte de son micro. Le maire écologiste de Bordeaux demande la parole en suivant. « Même si nous ne sommes pas interrogés sur ce point, nous partageons le souci de réindustrialiser la France par ses territoires. Le projet Emme présente un intérêt indéniable en tant que maillon du redéploiement européen de la filière batterie », introduit-il. Mais il y a un « mais » : « La lecture approfondie du dossier ne dissipe pas de trop nombreuses inquiétudes. Favoriser l’industrialisation des territoires oui, mais certainement pas quoi qu’il en coûte. »
« Zones d’ombre »
Le maire de Bordeaux dit peu goûter l’enchaînement des dernières semaines : « Est-ce une bonne méthode de laisser croire qu’on associe sérieusement les élus au destin de leurs territoires en les consultant de façon aussi précipitée ? L’information nous est parvenue par mail, en pleine période estivale, le 7 août, pour avis rapide sur 800 pages dans les deux mois. » Surtout, « faisant peu de cas des délibérations demandées aux maires un mois plus tôt », l’ancien Premier ministre François Bayrou décrétait, le 5 septembre, la raffinerie Emme « projet d’intérêt national majeur ». « Circulez, il n’y a plus rien à voir », ironise l’édile.
Or, Pierre Hurmic distingue nombre de « zones d’ombre non levées », énumérant quelques-unes des « exigences » inscrites dans la délibération. « Faute de réponses, nous ne saurions valider ce projet », assure-t-il. Conseiller communautaire PC, le Bordelais Olivier Escots loue la création d’un tel « ancrage industriel sur notre territoire ». « Mais son acceptabilité dépendra de la capacité à encadrer strictement les impacts et garantir un suivi démocratique et citoyen. »
Pas de « blanc-seing »
Maire LR de Saint-Aubin-de-Médoc, Christophe Duprat estime qu’il y a matière à progresser sur les ballets de camion, une station d’épuration en interne, « mais, encore une fois, on ne peut pas se dire que la souveraineté française est un objectif à atteindre et, quand un projet se présente, lui dire ‘‘non merci’’. » Aux premières loges du site, Véronique Ferreira, maire de Blanquefort, votera la délibération, tout en s’interrogeant ouvertement, plongée dans les annexes du dossier : « Plus c’est rouge, plus le risque est fort, et c’est pratiquement rouge partout. Peut-on considérer qu’un projet qui paraît faisable est pour autant acceptable ? »
« Un projet sur une zone inondable : rien que ça suffit à l’annuler », tranche Philippe Poutou, élu de la liste Bordeaux en luttes. « Il ne faut pas confondre principe de précaution et principe de prévention », reprend Patrick Bobet, vantant des interlocuteurs « extrêmement compétents ». Pas moins de onze interventions sur le sujet, et le dernier mot revient à la présidente Christine Bost : « Ce n’est pas tous les jours qu’un projet de cette ampleur s’implante sur le territoire. […] Mais ce n’est pas une raison pour donner un blanc-seing aux porteurs de projet », prévient-elle, introduisant le vote d’une délibération pesée et soupesée. 69 votes pour les demandes de garantie, dix contre, et sept élus qui n’ont pas pris part au vote.