Cet article est tiré de notre supplément « Le Goût de M », consacré au goût de l’enfance, en vente sur la boutique du Monde.
Milan, printemps 1977. A la Pinacothèque de Brera, lieu que certains pensent voué au silence et à la contemplation, un septuagénaire a convié une nuée d’enfants. Costume ajusté, cravate et cheveux blancs, il a tous les attributs du sérieux, si l’on omet ses yeux rieurs et son sourire tendre. Cet homme, c’est Bruno Munari (1907-1998), immense figure de la vie culturelle italienne du XXe siècle, à la fois peintre, sculpteur, designer, illustrateur, graphiste, auteur, théoricien et pédagogue.
Une polyvalence qui aurait inspiré à Picasso ce surnom : « Le Leonardo de notre temps. » Ce « laboratorio » de la Pinacothèque, où les écoliers milanais étaient invités à « jouer avec l’art » (en expérimentant les couleurs, les lignes, les textures, les formes…), fut le premier d’une longue série d’ateliers qui s’ajoutèrent aux livres, jeux et jouets créés pour les enfants par l’artiste milanais.
Pour offrir un juste panorama de l’œuvre de Bruno Munari, il faudrait pouvoir esquisser des schémas, imaginer des prototypes, inventer un alphabet, voire une langue, à l’instar de ses Scritture illeggibili di popoli sconosciuti (« Ecritures illisibles de peuples inconnus »), une série d’œuvres graphiques, commencée à la fin des années 1940, dans laquelle l’artiste interrogeait avec malice le système de signes qu’est le langage. Changeant de technique, de médium et même de discipline, Munari a fini par brouiller les pistes…
« Enfant déjà, j’ai été un expérimentateur »
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