Une septième « limite planétaire » vient d’être franchie, la Terre est en train de devenir inhabitable. (Photo d’un champ de coraux sur la Grande Barrière de Corail lors d’un épisode de blanchissement massif.)

Brett Monroe Garner / Getty Images

Une septième « limite planétaire » vient d’être franchie, la Terre est en train de devenir inhabitable. (Photo d’un champ de coraux sur la Grande Barrière de Corail lors d’un épisode de blanchissement massif.)

ENVIRONNEMENT – La Planète bleue est gravement malade. Le niveau d’acidification des océans, qui regroupent 97 % de l’eau sur Terre, a dépassé la limite compatible avec des écosystèmes stables et durables, a annoncé, ce mercredi 24 septembre, un rapport d’un institut de recherche. Et conclut que sept des neuf « limites planétaires » sont maintenant franchies.

Créées en 2009 sous l’impulsion du scientifique suédois Johan Rockström, les limites planétaires désignent les différents points à ne pas dépasser pour garder la planète dans un état vivable. Une trentaine de chercheurs estimaient il y a quinze ans que l’humanité avait « transgressé au moins trois limites planétaires ». Depuis, les bilans annuels de l’Institut de recherche sur le climat de Potsdam (PIK) ont montré une dégradation continue.

Celui de 2025 indique que la limite de « l’acidification des océans » vient d’être franchie. « L’océan est en train de s’acidifier, menaçant la vie marine et nous faisant entrer dans des conditions dangereuses, avec une tendance qui s’aggrave encore », ont écrit ses chercheurs. En d’autres termes, ce sont tous les écosystèmes marins qui sont menacés, comme en atteste le blanchissement des récifs coralliens, phénomène annonciateur de leur mort.

Excès de CO2 et révision des calculs

La principale cause de l’acidification des océans est l’absorption de dioxyde de carbone (CO2) émis avec la combustion d’énergies fossiles. Les scientifiques estiment que les océans ont absorbé environ 30 % de l’excès de CO2 relâché dans l’atmosphère par la combustion de pétrole, de gaz et de charbon.

La hausse de l’acidification par rapport aux chiffres publiés l’an dernier est également due en partie à une amélioration des données et à une révision des calculs.

Les six autres seuils déjà dépassées concernent le changement climatique (CO2 dans l’atmosphère), l’intégrité de la biosphère (extinction d’espèces et appropriation des ressources par l’humanité), mais aussi l’usage des sols (déforestation), le cycle de l’eau douce (zones touchées par la sécheresse ou les inondations), les cycles biogéochimiques (ajout d’engrais et pesticides) et l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère (plastiques et autres produits chimiques industriels).

Les deux limites planétaires non franchies restent les aérosols dans l’atmosphère (pollution de l’air) et le niveau d’ozone dans la stratosphère.

Le fonctionnement de la chaîne alimentaire perturbé

Si l’acidité se mesure à l’aide du pH, la référence pour cette limite est la concentration en aragonite, un minéral indispensable à la vie des coraux et animaux marins à coque. Plus l’océan est acide, plus l’aragonite se désagrège.

La limite avait été définie à 80 % de la concentration à l’ère pré-industrielle. Et les océans sont descendus sous ce niveau. « Le pH à la surface de l’océan a déjà baissé d’environ 0,1 depuis le début de l’ère industrielle. C’est l’équivalent d’une hausse de 30 à 40 % de l’acidité », relèvent les scientifiques. « Ce changement menace les organismes qui forment des coques ou squelettes en carbonate de calcium, comme les coraux, les mollusques ou des espèces cruciales du plancton. La disparition progressive de ces organismes peut perturber la chaîne alimentaire », s’inquiètent-ils.

« La vie marine va s’amenuiser. C’est très inquiétant car pour chacune des cinq grandes extinctions précédentes, la vie s’est effondrée dans les océans puis sur terre. Et la vie marine est indispensable », déplorait également Dominique Bourg, professeur des sciences de l’environnement à l’université de Lausanne, dans une interview au HuffPost en septembre 2023.

« Nous avons besoin que les gouvernements écoutent la science »

Le bilan a été présenté lors d’une visioconférence depuis New York, où se tient l’assemblée générale des Nations Unies. Interrogé sur le refus des États-Unis de reconnaître l’urgence de l’action contre le changement climatique, le directeur du PIK, Johan Rockström, a répondu que Donald Trump n’avait aucun scientifique crédible de son côté. « Il n’a pas de soutien, même chez ses amis climatosceptiques », a-t-il dit.

« Nous avons besoin que les gouvernements écoutent la science », a appuyé l’ancien président colombien Juan Manuel Santos, qui participait à cette conférence de presse. « Imaginez si tout budget national, tout plan de sécurité, tout accord commercial commençait par la question : est-ce que cela nous maintient à l’intérieur des limites planétaires ? C’est le changement dont nous avons besoin », a ajouté l’ancienne présidente irlandaise Mary Robinson.

De son côté, Emmanuel Macron a réagi ce mercredi soir au discours climatosceptique de Donald Trump à l’ONU, rappelant que la « science est claire » au sujet du dérèglement climatique.