Le Parti travailliste démarre sa conférence annuelle sous haute tension politique. Après la décision historique du Royaume-Uni de reconnaître l’État de Palestine, le Premier ministre Keir Starmer se retrouve au cœur des divisions qui traversent son parti et la société britannique. Retour sur les enjeux de cette semaine décisive.

À Liverpool, le congrès du Parti travailliste a ouvert ses portes dans une atmosphère lourde d’attentes. Keir Starmer doit marquer un tournant. Après une rentrée politique difficile – annonces impopulaires, démissions ministérielles, et une crédibilité fragilisée – il doit rallumer l’enthousiasme.

Son discours inaugural porte la volonté de « renouveler le Royaume‑Uni » mais en coulisses, les doutes persistent. Certains députés sont déjà à l’affût d’un possible remplacement, et Andy Burnham, le maire de Manchester, est sur le devant de la scène avec ses critiques publiques sur la direction du parti.

Keir Starmer doit donc faire mieux que des mots : apaiser les tensions internes, proposer une vision convaincante face au parti populiste Reform UK et redonner confiance à une base fracturée. Ce congrès, c’est l’occasion ou jamais d’offrir des solutions à la fragmentation politique actuelle qui vont définir l’avenir du Labour.

Jeremy Corbyn, un concurrent de taille ?

L’ancienne figure controversée des travaillistes Jeremy Corbyn a d’ailleurs lancé son propre parti, Your Party. Au point d’éclipser le Parti travailliste ? Ce n’est pas certain pour Laetitia Langlois, maître de conférences en civilisation britannique à l’université d’Angers. « S’il peut attirer quelques personnes derrière lui qui veulent une politique beaucoup plus sociale, qui prennent aussi leurs distances avec Israël et qui sont beaucoup plus pour la Palestine – car Jeremy Corbyn avait un discours vraiment très pro-palestinien. De là à ce qu’il construise un parti qui puisse vraiment faire de l’ombre au Labour, cela semble difficile », explique-t-elle.

« En revanche, voir l’émergence d’un autre parti que le Parti travailliste ou le Parti conservateur – qui historiquement sont les deux seuls partis qui ont été au pouvoir –, c’est Reform UK qui là est en train de prendre cette première place et qui est vraiment quelque chose de tout à fait inédit », poursuit Laetitia Langlois. « Et la marche qui a eu lieu samedi 13 septembre à Londres contre l’immigration, menée par Tommy Robinson, montre bien à quel point les idées d’extrême droite ont pénétré le champ politique britannique », analyse-t-elle.

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Répondre aux inquiétudes des Britanniques face à l’immigration et à l’économie

Le nouveau parti d’extrême droite surclasse la droite et la gauche traditionnelle dans les sondages et les dernières élections locales. Le Premier ministre britannique peut-il inverser la tendance, notamment en se montrant plus ferme sur l’immigration ? « Il faudrait peut-être en effet répondre à certaines inquiétudes des Britanniques. Il y a toujours eu, depuis la campagne, un discours assez ferme tout de même sur l’immigration. Mais les Britanniques ont l’impression que ça ne fait rien, que ce ne sont pas des discours qui vont vraiment changer les choses, mais des actes fermes. Et ils ont l’impression que les chiffres de demandeurs d’asile sur leur sol sont toujours aussi importants », résume Laetitia Langlois.

« Mais il y a peut-être, du côté de l’économie aussi, des mesures à prendre pour faire en sorte que la vie des Britanniques soit moins difficile », ajoute-t-elle. « Les chiffres de la pauvreté sont extrêmement hauts, et notamment la pauvreté infantile qui est quand même deux fois plus élevée qu’en France, et une politique travailliste plus sociale serait certainement la bienvenue auprès d’une population britannique qui souffre. »

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