À l’échelle de Nancy, c’est un coup de grisou. D’autant qu’aucun signe avant-coureur n’avait été détecté. « Pourtant, arrivé le 3 février, au bout de trois jours, j’étais très inquiet pour l’avenir. »

Ce que Serge Claude ignorait alors, c’est que sa mission de directeur intérimaire (ou « manager de transition ») allait bientôt devoir se transformer en mission d’accompagnement… jusqu’à la fin. La fin de la MJC Pichon annoncée pour le 30 juin prochain. Une situation catastrophique inédite dans la cité.

Cet ancien directeur de MJC, qui dit avoir déjà sauvé 15 MJC, ne sauvera sans doute pas la 16 e.

Que s’est-il donc passé pour que cette MJC vieille de 30 ans, qui comptait encore 1 600 adhérents il y a cinq ans, se retrouve aujourd’hui à l’agonie ?

Réponse : bien des choses… « Il y a eu concomitance de toute une série de problèmes et de changements quasi simultanés. Et c’est ce qui a abouti à cette funeste situation. » Dixit Anne Colson, coprésidente de la Fédération lorraine des MJC.

Les « incidents » se sont en effet enchaînés à vitesse Grand V.

D’abord, une perte d’adhérents post-covid. De 1 600, on est passé à 1 300. « Or 300 adhérents en moins, c’est une perte de 120 000 € de fonds propres », souligne Serge Claude. « Et l’autofinancement, contrairement à ce qu’on peut croire, c’est énorme dans l’équilibre d’une MJC », rebondit Anne Colson. À hauteur de 50 à 60 % du budget, lequel est estimé à plus de 900 000 € annuels pour Pichon.

Le reste est abondé par la ville, pour 365 000 € (sans compter la mise à disposition du lieu). Conclusion, la rentrée de fonds a substantiellement baissé.

À ça, se greffe le problème du club de foot. Devenu emblématique de la MJC, tant il draine d’usagers (environ 400), il pèse aussi très lourdement sur les finances de la Maison (lire par ailleurs).

Restructuration impossible

Voilà pour les difficultés disons structurelles, identifiées. Mais identifiées très tardivement. Un manque de vigilance que d’aucuns expliquent par divers changements simultanés à certains postes clefs. Un directeur part en 2023, son successeur part en burn-out à l’été 2024, un changement de comptable, un changement de trésorier…

« On est donc sur une problématique qui a pris racine avant la Covid, certes, mais qui est devenue ingérable après, surtout dans ces conditions », résume Anne Colson. Une restructuration n’était déjà plus envisageable : licencier du personnel implique des indemnisations, que la MJC n’avait déjà plus les moyens de verser.

« Il y a deux ans encore, on aurait pu redresser la barre. Mais là, je crains qu’il ne soit trop tard », lâche Serge Claude, très pessimiste quant à la décision que devront prendre les juges.

Alerté par les résultats de 2023, qui accusaient un déficit de 126 000 €, Serge Claude espérait encore en mars que l’exercice 2024 soit, si ce n’est meilleur, du moins pas pire. « J’avais alors calculé qu’on aurait pu finir l’année avec 200 000 € d’aide de la ville. » Elle-même exsangue, la municipalité n’avait pourtant pas fermé la porte. Mais entretemps, le bilan 2024 est tombé. « Le déficit était plus grave encore, j’ai compris que 200 000€ ça ne suffira largement pas. D’autant que pour la suite, on n’a toujours pas de solution. »

25 salariés

La ville, néanmoins, va maintenir sa subvention pour l’année, même si l’aventure doit s’achever dès fin juin. « Sinon, on aurait peut-être dû fermer dès maintenant ». C’est d’ailleurs la seule consolation que trouve Anne Colson : « Les adhérents vont pouvoir profiter de leurs activités jusqu’à la fin de la saison. Et on part sans dette. »

Les salariés, eux, ont été informés de ce qui les attendait. « J’ai essayé d’être le plus transparent possible », assure Serge Claude. Quand bien même le conseil d’administration attend la décision des instances pour communiquer officiellement. La fermeture affectera en effet quelque 25 salariés (une douzaine d’équivalents temps plein), et au total une soixantaine d’intervenants. Ce sont les AGS (régime de garantie de salaires) qui vont prendre en charge les indemnités. Alors, les comptes seront définitivement soldés…