ENTRETIEN – Un peu plus d’un an après sa médaille d’or en slalom aux JO 2024, le Français de 25 ans part à la conquête du monde, fort d’une saison jusqu’à présent exceptionnelle.

Le 29 juillet 2024, Nicolas Gestin domptait, dans son canoë, le bassin de Vaires-sur-Marne pour décrocher l’or olympique lors de l’épreuve du slalom. Une forme de consécration pour celui a découvert cette discipline à l’âge de 7 ans du côté de Quimperlé, dans le Finistère, et qui possédait déjà de solides références internationales, entre son triomphe en 2022 au classement général de la Coupe du monde ou sa médaille d’argent aux Championnats du monde en 2023. De l’argent qu’il aimerait désormais transformer en or, un objectif ô combien dans ses pagaies au vu de sa saison, couronnée de trois victoires en Coupe du monde dont la dernière en date, à Augsbourg il y a deux semaines, le fut avec une très confortable avance (plus de cinq secondes). Ce qui en dit long sur son état de forme avant de s’attaquer aux Mondiaux à Sydney.

Comment se sont passées votre arrivée et votre acclimatation en Australie ?
Nicolas Gestin : Je suis arrivé le 12 septembre et c’était un peu le nerf de la guerre de ma première semaine ici. L’entraînement était secondaire par rapport à ma prise de repères sur le stade d’eaux vives et à la gestion du décalage horaire, car à la base je ne suis pas un très bon dormeur. Comme je le craignais, j’ai pas mal galéré au départ mais là, c’est bon, tout est réglé. Mais je suis content d’être arrivé assez tôt pour bien me caler et me sentir prêt pour ces Championnats du monde.


Passer la publicité

Vous connaissiez déjà le stade d’eaux vives…
Oui, mais cela remonte à 2019, donc cela commence à faire loin. Le bassin n’a pas trop évolué mais au bout de six ans, il y a quand même eu besoin de reprendre des repères. Après, cela reste de l’artificiel pur et dur et il n’y a pas réelle spécificité, si ce n’est que le bassin n’est pas très rapide et qu’il est exigeant. L’enjeu dessus sera surtout d’arriver à générer de la vitesse.

Pour moi, le statut est un concept très philosophique. Oui, je sais que je suis archifavori aux yeux de beaucoup de monde, mais je ne le suis pas forcément dans mon esprit.

Nicolas Gestin

Comment gérez-vous le fait d’aborder cette compétition dans la peau de l’archifavori ?
Toujours de la même manière je crois. C’est un statut auquel j’essaie de ne pas trop m’accrocher. Pour moi, le statut est un concept très philosophique. Oui, je sais que je suis archifavori aux yeux de beaucoup de monde, mais je ne le suis pas forcément dans mon esprit. Je sais que mon sport exige que les compteurs repartent à zéro à chaque fois et que chaque bassin est spécifique. C’est certain que je suis en forme, et que je vais essayer de faire du mieux possible en prenant la course étape par étape, en partant des qualifications jusqu’à la finale j’espère.

Nicolas Gestin dans ses œuvres
CTK / Icon Sport

Que change à vos yeux votre statut de champion olympique en titre ?
Il me permet de courir de manière plus libérée. J’ai l’impression d’avoir moins de pression, de ne plus avoir à courir après quelque chose ce qui me permet de prendre plus de plaisir. C’est ce que j’ai pu montrer à Augsbourg, en finale de la Coupe du monde, où j’ai pris des options plus engagées que d’habitude, ce qui est synonyme de quelqu’un qui est en confiance et se sent libéré pour prendre des risques.

Vous ne ressentez pas de pression négative qui vous pousserait à penser qu’en tant que champion olympique, vous n’avez plus le droit de perdre…
Ce n’est pas comme cela que je veux le prendre. Le «il faut», souvent, ce n’est pas bon. Il vaut mieux espérer et jouer sa carte que d’utiliser le verbe falloir. Je n’ai pas de compte à rendre en réalité. Je vais simplement faire du mieux que je peux, et c’est comme cela que j’arrive à m’engager. Ma façon de faire consiste à me tourner au maximum vers cette notion de jeu, car c’en est un. La terre ne va pas s’arrêter de tourner si je ne claque pas ma médaille aux Mondiaux.

J’ai fait d’autres sports, je me suis testé sur le marathon, j’ai appris à surfer et à skier. Il fallait que j’accepte de ne pas avoir envie de remettre tout de suite les fesses dans un canoë.

Nicolas Gestin

Repensez-vous encore souvent aux Jeux aujourd’hui, ou bien est-ce devenu un souvenir plus lointain ?
Naturellement j’y pense encore beaucoup. Cela a été un moment qui a marqué les esprits dans le sport français. Et à titre personnel, quand on décroche le Graal avec la manière, dans une telle ambiance, comme cela s’est passé pour moi, cela reste forcément gravé dans ma mémoire. C’est le moment le plus intense que j’ai vécu, et sans doute que je vivrai dans ma carrière sportive. Mais en même temps, je suis content de continuer à avancer et de me tourner vers de nouveaux objectifs. Je me suis bien régalé en prenant le départ de chaque étape de Coupe du monde et je suis heureux de revenir sur des Mondiaux, lors desquels j’avais fini 2e il y a deux ans. Je vais essayer de gravir la dernière marche. Je sens que c’est le moment de le faire car je suis en confiance et en forme.

Nicolas Gestin
Hugo Pfeiffer / Icon Sport


Passer la publicité

Quand vous dîtes que vous vous êtes bien régalé, cela a-t-il quand même été difficile, à un moment, de revenir dans les bassins après ce que vous aviez lors de Paris 2024 ?
Forcément, il y a un moment un peu difficile car je n’avais plus l’objectif qui m’avait animé pendant quatre ans. Pendant cette période, je ne me questionnais même pas de savoir pourquoi je m’entraînais, je le savais, c’était automatique. Cette sensation n’était plus là en septembre dernier. Mais j’ai trouvé la bonne solution, à savoir me laisser du temps en ne reprenant qu’au mois de février. J’ai fait d’autres sports, je me suis testé sur le marathon, j’ai appris à surfer et à skier. Il fallait que j’accepte de ne pas avoir envie de remettre tout de suite les fesses dans un canoë. Et puis en février, je savais qu’il y avait les Championnats d’Europe qui allaient arriver vite en mai et cela m’a vite remis dedans.

Vous sentez-vous beaucoup plus fort aujourd’hui qu’il y a un aux Jeux ?
D’un côté, cette année, j’ai eu une préparation écourtée étant donné que je n’ai repris qu’en février. Mais d’un autre côté, je n’avais encore jamais gagné une étape de Coupe du monde comme je l’ai fait il y a trois semaines à Augsbourg. C’est très lié au fait d’être libéré sur l’eau. Maintenant, je ne pense pas pouvoir dire que je suis beaucoup plus fort que l’an dernier car à cette époque, j’étais quand même sur un sacré pic de forme et je sortais d’une très belle préparation. Simplement, je me fais mon petit bonhomme de chemin et je gagne aussi en expérience. La vraie progression aujourd’hui à mes yeux, c’est que j’arrive à faire beaucoup plus régulièrement les bons choix par rapport à avant. Depuis un an, j’ai le sentiment de pouvoir regarder le parcours et d’être en capacité très vite de faire les bons choix. Ou du moins j’ai la bonne méthodologie pour le faire. Et puis ma manière d’aborder les courses n’est plus la même, je suis nettement plus serein aujourd’hui.

Qui seront vos principaux adversaires sur ces Championnats du monde ?
Franchement, je crois que les deux plus costauds seront mes deux compatriotes, Mewen (Debliquy) et Yohann (Senechault), qui sortent chacun d’une grosse saison. Yohann a pointé à la deuxième place mondiale et Mewen n’est plus loin du tout du Top 5. On a montré, sur nos meilleures manches, que nous étions les trois bateaux le plus rapides de la saison. On peut peut-être rêver d’un triplé comme lors de la Coupe du monde à Prague. Sinon, l’Espagnol Miquel Travé sera à surveiller, de même que le Britannique vice-champion olympique Adam Burgess, qui semble avoir spécifiquement préparé ces Mondiaux. Sans oublier les locaux, même si les Australiens n’ont pas forcément montré grand-chose cette année en Coupe du monde mais je suis bien placé pour savoir qu’à domicile, souvent, cela va bien.