Le marché du livre ne dort que d’un œil. Beaucoup publient pour ne rien dire, une eau de rose à deux sous, tiède avec ça. D’autres agencent des meubles, à peine sortis de l’imprimerie déjà désuets, vieilles idées, vieux vocables, triste mine. Et puis, bonheur, il y a des gens pour dire et faire partager quelque chose du chaos de notre temps. Tel est Christophe Carrées. Le titre de son livre pose une question : Mais où vont les poussières ? On devine que s’il n’en sait rien, ce n’est pas si grave.
Carrées construit les paragraphes comme des chapitres, auxquels il donne un nom, pas toujours en lien direct avec ce qu’il raconte ou ce qu’il décrit. C’est au lecteur aussi de travailler, l’ouvrage prenant son sens à la façon d’un puzzle. Un exemple ? Voici « La trame » : « Elles me protègent, me dissimulent et, parfois me font briller. Il peut même arriver qu’elles déclenchent le rire des filles. Je les appelle mes histoires, l’univers les appellerait mes mensonges. Pourtant, ces fables ne sont les causes de rien qui m’advient. Elles sont les conséquences du tout qui m’entoure, la vie des autres, leurs silences, leurs secrets, leurs saccages. »
Humour noir
Une épouse, une belle-mère, des parents, deux filles, une vie quotidienne des plus ordinaires pourrions-nous dire. Mais les amours de Carrées ne tournent pas toutes seules. On vous recommande l’affrontement des grands-parents qui multiplient les cadeaux rose bonbon, vert épinard. Et l’on aime citer la confrontation du narrateur avec une conseillère de Pôle emploi : « Me voici balayant son bureau du revers de la main et la voilà, menaçant d’appeler le vigile, avant de me préciser quelle est la procédure de radiation prévue en cas de comportement agressif envers un agent dépositaire de l’autorité publique. » À force d’humour noir et de chaos, Christophe Carrées bouscule toutes les références de l’époque. Il observe mille détails avec des mots de tous les jours qu’il plonge dans l’acide. Un Louis-René des Forêts de la déglingue.
Christophe Carrées, Mais où vont les poussières, Le Cerf, 2025, 192 p., 18 €.