À 800 millions
d’années seulement après le Big Bang, alors que l’univers n’était
encore qu’un enfant cosmique, un événement d’une rareté
extraordinaire se déroulait dans les profondeurs de l’espace. Le
télescope spatial James Webb vient de capturer les images d’une
collision galactique sans précédent : cinq galaxies entières
fusionnant simultanément pour ne former qu’un seul système
gigantesque. Cette découverte, baptisée le « Quintette du
JWST » ( à ne pas confondre avec la Quintette de Stephan),
bouleverse notre compréhension de la formation des structures
cosmiques et révèle des mécanismes encore inconnus qui façonnaient
l’univers primordial.
Une
découverte qui défie les statistiques
La rareté de cette
observation ne peut être sous-estimée. Alors que les fusions
galactiques impliquent généralement deux partenaires cosmiques,
trouver cinq galaxies en train de fusionner simultanément relève de
l’exception absolue. Les modèles actuels prédisent que moins de 1%
de toutes les fusions galactiques impliquent plus de deux
galaxies.
Weida Hu, chercheuse
principale de cette étude à l’Université Texas A&M, souligne
l’aspect extraordinaire de cette découverte : identifier un tel
système nécessite une convergence de facteurs si improbables que
l’équipe de recherche reconnaît avoir eu une chance exceptionnelle.
Cette rareté statistique transforme chaque détection en trésor
scientifique inestimable.
Quand Webb
et Hubble unissent leurs forces
Cette découverte
remarquable résulte d’une collaboration technologique entre deux
géants de l’astronomie spatiale. Alors que le télescope Hubble
avait déjà détecté certaines de ces galaxies, seules les capacités
infrarouges avancées du James Webb ont permis de révéler leur
véritable nature.
La caméra proche
infrarouge de Webb a dévoilé un élément crucial : un immense halo
de gaz enveloppant l’ensemble du système. Cette enveloppe gazeuse
constitue la preuve définitive que ces cinq galaxies ne sont pas de
simples voisines cosmiques, mais forment un système physiquement
intégré, lié par la gravité et en cours de fusion active.
L’analyse spectroscopique
a confirmé que toutes ces galaxies partagent le même décalage vers
le rouge, attestant qu’elles évoluent à la même distance de nous et
interagissent véritablement entre elles dans cette danse cosmique
destructrice et créatrice.
Deux vues de l’impact de cinq galaxies repéré par le JWST dans
l’Univers primordial. Les galaxies individuelles sont nommées ELG1
à ELG5 et situées environ 800 millions d’années après le Big Bang.
Crédit image : NASA, ESA, CSA et STScI / Hu et al.Un
laboratoire de formation stellaire extrême
Ces galaxies primitives se
distinguent par leur activité stellaire frénétique. Riches en gaz
primordial, elles forment de nouvelles étoiles à un rythme bien
supérieur aux prédictions théoriques pour cette époque reculée de
l’univers. Cette effervescence stellaire s’explique par les
interactions gravitationnelles complexes qui compriment le gaz et
déclenchent des flambées de création stellaire.
Le système présente une
architecture fascinante : les deux galaxies principales sont
séparées de 43 300 années-lumière, tandis que la distance maximale
entre les membres les plus éloignés atteint 60 700 années-lumière.
Pour situer ces dimensions, rappelons que notre Voie lactée s’étend
sur environ 100 000 années-lumière.
Un détail particulièrement
intriguant est la présence d’un « pont de matière »
reliant certaines galaxies, vestige des forces gravitationnelles
intenses qui sculptent ce ballet cosmique. Ces queues de marée
témoignent des interactions violentes qui redistribuent la matière
à l’échelle galactique.
L’écho
d’un cousin moderne
Cette découverte évoque
irrésistiblement le célèbre Quintette de Stephan, un groupe de galaxies en
interaction dans notre univers local. Cependant, les différences
sont saisissantes : alors que le Quintette de Stephan implique des
galaxies anciennes et relativement apaisées, le Quintette du JWST
bouillonne d’activité.
Cette comparaison révèle
l’évolution cosmique : l’univers primitif était un laboratoire de
création intense, où les galaxies jeunes et gorgées de gaz
s’entrechoquaient dans des ballets destructeurs mais fertiles. Ces
conditions extrêmes n’existent plus dans notre univers mature et
apaisé.
Vers la
mort stellaire programmée
L’avenir de ce système
fascine les astronomes. Avec sa masse stellaire équivalente à 10
milliards de soleils, le Quintette du JWST pourrait évoluer vers
une galaxie massive mais inactive dans les 1 à 1,5 milliards
d’années suivant le Big Bang. Cette transformation expliquerait
l’existence des galaxies « mortes » que Webb détecte dans
l’univers primitif.
Cette évolution dépendra
largement de la présence de trous noirs actifs au cœur de ces
galaxies. Ces monstres cosmiques pourraient rapidement éteindre la
formation stellaire par leurs vents galactiques, transformant ce
brasier cosmique en structure froide et silencieuse.
Une
fenêtre sur les mystères cosmiques
Au-delà de sa rareté,
cette découverte rapportée dans Nature Astronomy ouvre de nouvelles
perspectives sur les mécanismes de formation des structures
cosmiques. Elle suggère que l’univers primitif pourrait avoir été
plus dynamique et complexe que nos modèles actuels ne le
prédisent.
Christopher Conselice,
astronome à l’Université de Manchester, souligne l’importance
cruciale de ces observations pour comprendre comment les galaxies
massives ont pu se former si rapidement dans l’histoire cosmique.
Chaque nouveau système similaire découvert enrichira notre
compréhension de ces processus fondamentaux.