« Le free-floating ne va rien apporter. On a suffisamment de conflits entre tous les moyens de transport comme ça. » Fermez le ban. Emmanuel Sallaberry, maire centriste de Talence, reste opposé à ces nouveaux modes de déplacements, qui fleurissent depuis quelques années et renvoient à ces vélos, trottinettes et scooters en libre-service sur la voie publique, via un abonnement sur une application téléphonique.
Après une phase un peu anarchique où les opérateurs ont conquis les villes en semant un certain chaos, les choses sont aujourd’hui mieux organisées. Les collectivités fixent un cadre et choisissent qui a le droit de proposer ses services. C’est le cas de Bordeaux Métropole, qui vient de renouveler ses autorisations d’occupation temporaire du domaine public. Quatre opérateurs privés ont été désignés pour la période 2025-2029 : Dott et Pony pour 2 000 vélos et trottinettes chacun, eDog et Yego pour 350 scooters électriques chacun. Présents depuis plusieurs années, Bird et Bolt n’ont pas été retenus.
Aménager d’abord
24 communes sur les 28 de Bordeaux Métropole pratiquent aujourd’hui le free-floating, dont deux qui font leur entrée dans le système : Blanquefort et Saint-Louis-de-Montferrand. Talence, en revanche, s’y refuse, tout comme trois autres communes : Ambès, Martignas-sur-Jalle et Saint-Vincent-de-Paul.
« Nous ne sommes pas allés tout de suite dans le free-floating parce que nous voulions d’abord sécuriser l’espace public pour les circulations douces », explique Bruno Fareniaux, premier adjoint au maire à Blanquefort. « Nous avions des pistes cyclables à terminer, des aménagements ici ou là, il fallait notamment sécuriser le centre-ville, certaines parties de la zone industrielle ou encore l’axe Blanquefort-Parempuyre. Maintenant, nous sommes prêts. »
« C’est toujours un grand zoo »
À Talence au contraire, la mairie pense que le free-floating n’apportera rien à la commune. Elle s’estime bien dotée en matière de transports, avec une ligne de tramway, plusieurs lignes de bus, les vélos en libre-service de la Métropole, le futur bus express Pellegrin-Gradignan qui desservira le quartier de Thouars.
Mais au-delà, c’est le risque de désordre qui justifie le refus d’Emmanuel Sallaberry. Les sociétés de free-floating disposent certes d’emplacements marqués au sol pour le stationnement des véhicules, et elles appliquent des pénalités aux clients qui se garent n’importe où. Or, le free-floating reste ici associé à un système désordonné : « Les opérateurs font des promesses de bonne gestion, mais en pratique, cela ne change rien, c’est toujours un grand zoo, estime Emmanuel Sallaberry. Les équipes municipales ont mieux à faire qu’aller récupérer les véhicules mal stationnés. L’espace public n’est pas extensible, cela prendrait la place d’un vélo ou d’une voiture. La ville est déjà bien desservie et les habitants ne m’ont jamais fait de demande pour avoir accès au free-floating. »
On peut donc circuler librement à Talence à vélo, trottinette ou en scooter de free-floating, mais il est interdit d’y stationner.
8 200 trajets par jour
C’est le chiffre qui ressort du baromètre des mobilités de Bordeaux Métropole publié le 21 juillet dernier : l’utilisation de véhicules de free-floating représente 8 200 trajets par jour dans l’agglomération, soit une hausse de 17 % par rapport au premier semestre de 2024. Concrètement, les trottinettes (Dott et Tier) sont les moyens de transport les plus utilisés (59 %), les vélos (Bird et Pony) et les scooters (eDog et Yego) représentent respectivement 26 et 15 % des usages.
La Métropole constate également une « forte » progression de l’utilisation du vélo en free-floating en un an (+ 167 %, contre une baisse de 12 % pour les scooters et une stabilité pour les trottinettes). L’évolution est expliquée « notamment par l’autorisation accordée aux opérateurs d’augmenter leurs flottes de vélos (de 750 à 1 000 chacun) » et par le retard à l’allumage de Bird et Pony, lesquels n’avaient pas déployé toutes leurs bicyclettes début 2024. Reste à savoir si la stabilisation de la flotte de vélos prévue par le nouvel appel à manifestation d’intérêt permettra de nouvelles hausses dans les mois et les années à venir ou si l’engouement suivra une même stabilisation.