L’Opéra de Bordeaux accueillera l’ensemble Les Surprises dans un programme « Bach, père et fils », le 21 octobre dans le salon Boireau du Grand-Théâtre, mais c’est complet, même si une liste d’attente est ouverte. Les amateurs de cette musique allemande du XVIIIe siècle ont donc eu le nez creux s’ils se sont rendus au festival Les Riches heures de La Réole ce samedi 27 septembre. L’ensemble fondé par le claveciniste Louis-Noël Bestion de Camboulas et la gambiste Juliette Guignard y jouait en effet un programme similaire.
Avec, certes, un effectif plus important que celui programmé à Bordeaux, mais autour d’une même idée : dans la famille Bach, la musique était partout. À l’église, forcément, Jean-Sébastien Bach étant maître de chapelle à Leipzig, son fils Carl Philipp Emanuel dirigeant la musique de cinq églises de Hambourg, mais aussi à la maison, à la cuisine, ou dans des lieux de fête. Les Surprises ont ainsi retrouvé des partitions jouées au Café Zimmermann, « dans ce qui devait être l’équivalent d’un club jazz, avance Louis-Noël Bestion de Camboulas. Les gens venaient y entendre des œuvres de Jean-Sébastien Bach ou de Telemann en buvant des boissons. »
« Le Café Zimmermann, ce qui devait être l’équivalent d’un club jazz »
Les violonistes Gabriel Grosbard et Marie Rouquié et l’altiste Tiphaine Coquempot ont joué des partitions de Carl Philipp Emanuel qui annoncent déjà Mozart ou Haydn.
Christophe Houden
Un foisonnement dont l’ensemble baroque rend compte en mixant des pièces de compositeurs différents : un concerto pour clavecin fabriqué à partir d’un mouvement signé Jean-Sébastien et de deux autres écrits par ses fils Wilhelm Friedemann et Carl Philipp Emanuel ; une cantate profane regroupant le même Carl Philipp Emanuel, Jean-Sébastien, son ami Georg Stölzel et son professeur Georg Böhm.
Tonalités et signatures rythmiques
Le pari peut surprendre, voire choquer, mais il ne heurte pas l’oreille. Les pièces s’enchaînent avec fluidité en étant écrites dans les mêmes tonalités et avec la même signature rythmique. C’est une nouvelle occasion de mesurer le swing de Jean-Sébastien Bach, cet art du rebond ternaire qui fait de lui un lointain ancêtre du jazz.
Juliette Guignard a cité Salomé Saqué : « Sois jeune et porte ta voix ».
Christophe Houden
Mais c’est aussi l’occasion de mesurer le glissement qui s’est progressivement opéré vers le style classique. Quand un mouvement d’une sonate du père affiche un art du contrepoint hérité de la Renaissance, plusieurs compositions de Carl Philipp Emanuel sont marquées par un souci d’épure et de lisibilité qui tourne déjà le dos à l’écriture baroque. Et en écoutant le clavecin, on se dit que la même chose, jouée sur pianoforte, ne déparerait pas à côté d’œuvres de Mozart.
Le concert se termine même sur une symphonie, genre tout nouveau au XVIIIe siècle, assemblée à partir de pièces de Johann Ludwig Krebs, un élève de Jean-Sébastien Bach, et de Wilhelm Friedemann et Carl Philipp Emanuel. Juliette Guignard prend le micro pour citer Salomé Saqué : « Sois jeune et porte ta voix. »