Et si la gratuité des transports en commun n’était finalement pas la meilleure décision prise par Montpellier (Hérault) ? C’est en tout cas ce que laisse entendre la Cour des comptes dans un rapport baptisé La contribution des usagers au financement des transports collectifs urbains, publié il y a quelques jours. Les sages de la rue Cambon y défendent plutôt une tarification solidaire, adaptée aux revenus, qu’une gratuité totale.

Si le débat autour de la gratuité des transports, totale ou partielle, est « censée, en soi, accélérer la transition écologique et le report modal », observe l’institution financière, elle creuse les finances « tout en ne s’accompagnant que d’un report modal des automobilistes très limité ». Autrement dit, l’argument environnemental, qui consiste à dire qu’un transport gratuit pousse à laisser sa voiture au garage, vacille.

« Ce n’est pas le prix mais le temps de trajet qui compte »

Un sondage réalisé à Montpellier auprès des usagers entre octobre 2023 et mai 2024 par la Cour des comptes enfonce le clou. On y apprend que, certes, la fréquentation des transports montpelliérains a augmenté de 20 %, mais 39 % de ces trajets additionnels proviennent d’habitants qui jusqu’à présent privilégiaient déjà des modes de transport doux comme la marche, le vélo ou la trottinette. Plutôt un effet d’aubaine, donc.

« Ce n’est pas le prix qui décide l’automobiliste à laisser sa voiture au garage mais la promesse d’une réduction de son temps de trajet », signale François Mirabel, professeur d’économie à l’université de Montpellier. Grâce à une offre de transport en commun étoffée, comme le suggère aussi le rapport de la Cour des comptes.

Patience, répond la métropole montpelliéraine dont le calendrier transport d’ici la fin de l’année est chargé avec l’extension de la première ligne de tramway jusqu’à la gare Montpellier-Sud de France et l’ouverture d’une cinquième ligne censée transporter 100 000 voyageurs par jour. À venir aussi des lignes de tram-bus. Sur le volet environnement, la collectivité souligne aussi une amélioration nette de la qualité de l’air avec une forte baisse du nombre de surfaces surexposées à la pollution de l’air (-67 %) et des personnes concernées (-90 %).

Côté usagers, le ressenti sur les effets de la gratuité est plus mitigé. « Le rapport constate comme nous une baisse du niveau de satisfaction », pointe Yanis Ruelle, membre d’un collectif d’usagers, reprochant des rames bondées et des cadencements insuffisants sur un réseau à saturation. C’est d’ailleurs l’un des avertissements de la Cour des comptes : si la gratuité permet d’augmenter la fréquentation sans offre supplémentaire, le risque est ensuite de ne pas avoir les moyens pour financer l’augmentation ou l’amélioration du service.

Et pour cause, renchérit le professeur François Mirabel : « La gratuité n’existe pas. À Montpellier, les près de 40 M€ de recettes tarifaires en moins auraient pu être utilisés pour autre chose. » Et l’économiste de partager une autre recommandation de la Cour des comptes à propos de la nécessité de mener une politique globale de transport dont la gratuité ne serait qu’une brique : « Avant cela, il faut réduire la voirie, proposer davantage de stationnements aux entrées de la ville et accroître les modes de transports alternatifs. » La gratuité, elle, ne viendrait qu’en dernier, pour couronner le tout.