Muni de son ordonnance, l’usager au nez coulant pénètre dans la pharmacie flambant neuve, circulant entre les boîtes de produits parapharmaceutiques bien alignées sur les comptoirs. Des contenants qui ne lui seront d’aucune utilité car ils ont la particularité… d’être totalement vides.

Bienvenue dans la pharmacie expérimentale implantée sur le campus Carreire, de l’Université de Bordeaux. Inauguré jeudi 25 septembre, ce nouvel équipement doit permettre de former les étudiants en pharmacie de la quatrième à la sixième année, ainsi que les apprentis préparateurs en pharmacie.

C’est vrai que, à bien y regarder, l’endroit semble tout droit sorti du film « The Truman Show ». Rien n’échappe aux caméras ou au regard qui se cache dans la régie, derrière la vitre sans tain. « Nous pouvons observer comment évolue l’étudiant. Car il s’agit aussi d’avoir une posture », souligne Françoise Amouroux, pharmacienne adjointe et professeure associée. « Notre métier ne consiste pas seulement à donner des boîtes. Il y a une analyse : questionner les gens, savoir utiliser la carte Vitale, regarder l’historique du patient, etc. »

« On peut s’amuser à glisser certaines boîtes en première ligne dans le rayon, et demander aux étudiants de trouver l’intrus »

L’outil permet de simuler des scénarios complexes à partir de vraies ordonnances anonymisées. Un étudiant joue le rôle du pharmacien, un autre celui du patient, pendant que le reste du groupe observe et analyse. Une approche de la formation qui est déjà répandue en médecine, notamment via la plateforme hospitalo-universitaire d’apprentissage par la simulation.

Grâce à cet outil, les étudiants en pharmacie s’entraînent également à décrypter une prescription « qui peut être mal écrite ou qui a des incompatibilités », ajoute Françoise Amouroux. Les mises en situation peuvent aussi porter sur l’éducation thérapeutique, cruciale pour l’efficacité des traitements. « Un diabétique qui ne sait pas se servir d’un lecteur de glycémie, cela peut être dramatique », rappelle Françoise Amouroux.

Trouver l’intrus

La pharmacienne évoque un autre avantage de cette mise en condition réelle : « On peut par exemple s’amuser à glisser certaines boîtes en première ligne dans le rayon, et demander aux étudiants de trouver l’intrus. Toutes les boîtes ne peuvent pas être présentées en premier dans l’officine, par exemple les médicaments, ou certains compléments alimentaires. Nous étudions ces réglementations. »

L’Université de Bordeaux est l’une des dernières à s’équiper d’une pharmacie expérimentale. Mais avec ses 170 m², celle-ci est l’une des plus grandes en France. « Nous avons cru que nous ne verrions jamais cette ouverture », a admis Marine Aulois-Griot. La professeure de droit et d’économie pharmaceutique, également responsable pédagogique, a rappelé l’existence de la simulation durant les études, mais dans un cadre loin d’être aussi professionnel.

« Nous avions pensé installer la pharmacie expérimentale en plusieurs mois, après quelques coups de pinceau. » C’était sans compter sur le fait que le local choisi n’était plus adapté à recevoir du public. La gestation et le chantier ont pris des années, pour un budget à la hauteur des ambitions : 450 000 euros. L’enveloppe a été abondée par l’Université de Bordeaux, le Collège des sciences de la santé, et aux deux tiers par l’Unité de formation et de recherche (UFR) des sciences pharmaceutiques.