La controverse autour du « baromètre » de Vélo-cité ne pouvait que rebondir, tôt ou tard, dans l’hémicycle de Bordeaux Métropole. Acteur incontournable des politiques locales de déplacements à vélo, l’association était citée deux fois à l’ordre du jour du conseil métropolitain, vendredi 26 septembre, quatre mois après la publication de son « bilan d’étape 2020-2025 » dans quinze communes de l’agglomération : la première pour une subvention de fonctionnement de 27 000 euros, la seconde pour clore un litige porté par l’association devant le tribunal administratif.

Maire (divers droite) de Talence, Emmanuel Sallaberry s’est étonné le premier de voir « une association très largement subventionnée par l’argent public, censée être partenaire, et qui vient attaquer en justice une décision prise par Bordeaux Métropole ». En l’occurrence, Vélo-cité avait attiré l’attention de la Métropole sur la nécessité d’une piste cyclable bidirectionnelle en centre-ville de Floirac, rue Jules-Guesde, dans la continuité de celle déjà réalisée côté quais et, accessoirement, parce que le code de l’environnement l’exige. L’hypothèse de travaux d’aménagement « dans une échéance restant à fixer de manière précise » ayant été jugée trop vague, Vélo-cité a tout bonnement saisi le tribunal administratif.

« Véritable censeur »

Tout est bien qui finit bien, une médiation a permis de raccommoder les deux parties. Soumis au vote, ce protocole d’accord a fait tiquer Emmanuel Sallaberry. « Cette action nous aura coûté plusieurs milliers d’euros en frais de justice… » Renseignements pris auprès de Vélo-cité, la médiation s’est déroulée sans avocat mais la transition est toute trouvée : le maire de Talence dit apporter son soutien à Jean-Jacques Puyobrau, maire (PS) de Floirac : « Il vit ce que nous vivons depuis quelques mois avec une association devenue un véritable censeur. »

Je pense que Vélo-cité a compris. Ils ont reconnu leurs erreurs de méthodologie, et il y a eu des choses pas tout à fait exactes »

S’il a dit regretter l’époque Vélo-cité du temps où « les gens étaient force de proposition », Emmanuel Sallaberry, dont les aménagements vélo ont été gratifiés d’un E dans le baromètre sur des fondements « incompréhensibles », n’est pas loin d’adresser un zéro pointé en retour. Selon lui, Vélo-cité « flirte avec les 155 000 euros d’argent public et ne s’est toujours pas dotée d’un commissaire aux comptes ».

Des rendez-vous

Prévu début juillet, le vote de la subvention de fonctionnement avait été ajourné dans l’attente d’une séance d’explication entre Vélo-cité et les maires des communes visées. Réunion qui a eu lieu le 11 septembre. « Ça fait quelques années que je n’avais pas vu une telle concorde entre les groupes politiques [de Bordeaux Métropole, NDLR] », a cinglé Emmanuel Sallaberry. En retour, l’association aurait fait comprendre aux élus que « rien ne changerait et qu’elle avait la vérité ».

« Je n’ai pas eu le même compte-rendu de la fin de la réunion », a repris la présidente Christine Bost, par ailleurs maire d’Eysines, commune classée… F et dont le conseiller municipal Serge Tournerie, délégué aux mobilités, dénonçait en juin une « analyse à charge ». Car l’heure est de toute évidence à l’apaisement côté majorité métropolitaine. Christine Bost a d’ailleurs salué la « reprise » de rendez-vous bilatéraux avec les communes et veut croire à la « reconstruction de relations sereines ». « Onze » demandes ont été adressées, note Isabelle Rami, conseillère déléguée aux mobilités alternatives.

« Poil à gratter »

À l’exemple de Patrick Labesse, maire (écologiste) de Carbon-Blanc (un modeste E au palmarès) : « Ils sont venus, on a passé deux heures et, effectivement, ils reconnaissent un certain nombre de choses. Ils sont prêts à faire bouger les lignes. J’ai envie de leur faire confiance, ils ont une réelle utilité sur le terrain, et ce n’est pas en supprimant la subvention ou en montant sur nos grands chevaux qu’on avancera. »

Adjointe au maire de Bordeaux (notée B), Delphine Jamet a volé au secours de Vélo-cité. « C’est scandaleux qu’on veuille bâillonner une association. Pourquoi ne pourrait-elle pas attaquer alors qu’elle est subventionnée par la Métropole ? » Maire écologiste de Bègles (notée C), Clément Rossignol Puech n’a pas éludé la problématique du questionnaire, avec « sur le fond des approximations et, sur la forme, a minima de grandes maladresses », mais a défendu ces associations cyclistes « poil à gratter ».

Leader du groupe des élus de droite et de centre-droit, Patrick Bobet, maire du Bouscat, a rejeté tout « déni de démocratie » mais a appuyé le propos de son collègue Sallaberry : « J’ai vu évoluer ce rôle de conseil vers un rôle de contrôleur voire de censeur. » Isabelle Rami s’est voulue optimiste : « Je pense que Vélo-cité a compris. Ils ont reconnu leurs erreurs de méthodologie, et il y a eu des choses pas tout à fait exactes. Ils ne vous ont pas fait un mea culpa mais, derrière, ils se sont engagés à prendre contact avec les collectivités. » 66 pour, 29 contre, trois abstentions.